Introduction / Classification :
- Les cancers cutanés sont fréquents, observés chez le sujet de phototype clair avec incidence variable dans le monde : pics d’incidence enregistrés chez les blancs américains et les blancs australiens
- Les cancers cutanés primitifs comprennent 2 groupes principaux :
➢ Cancers épithéliaux : dérivant du kératinocyte, épithélioma ou carcinomes : carcinome basocellulaire et spinocellulaire
➢ Cancers non-épithéliaux : dérivants d’autres cellules : mélanome (mélanocyte), sarcomes (fibroblaste)
- Les cancers cutanés épithéliaux sont les plus fréquents.
- Le mélanome cutané est moins fréquent mais de pronostic redoutable ; c’est le plus grand pourvoyeur de décès
Tumorigenèse :
- Différentes altérations se produisent sur la cellule cutanée (kératinocyte, mélanocyte, autres cellules) vont aboutir à la cellule cancéreuse
- La transformation cellulaire est le fait d’événements génétiques induisant des anomalies génomiques irréversibles perturbant la prolifération cellulaire
➢ Agents exogènes : provoquer des altérations au niveau de l’ADN cellulaire, il s’en suit une mutation aboutissant à une cellule cancéreuse : rayons ultraviolets A ou B, radiations ionisantes ou virus oncogènes
➢ Agent chimique : hydrocarbures polycycliques aromatiques, pesticides
- Genès et cancers cutanés :
➢ Gènes responsables de la transformation cellulaire : anormaux, uniquement dans les cellules tumorales, facteurs carcinogènes précis, rayons ultraviolets +++
➢ Gènes conférant une prédisposition génétique au cancer : géno-dermatoses exposant au risque de développement de tumeurs cutanées, principalement le Xeroderma pigmentosum, les mutations sont portées par toutes les cellules de l’organisme. Âge précoce
➢ Gènes suppresseurs de tumeurs (gène P53) : contrôle le bon déroulement du cycle cellulaire, c’est un véritable gardien du génome, arrêt du cycle cellulaire après un stress génotoxique (UV), ce qui permet de réparer les dommages génomiques subis avant de poursuivre les mitoses
- Tumorigenèse par défaut de réparation des altérations cellulaires : l’individu normal possède un équipement enzymatique capable de réparer les altérations précédentes, cependant, au cours de certaines maladies génétiques cet équipement enzymatique est défaillant ou absent (Xeroderma pigmentosum). L’individu normal lorsqu’il avance en âge voit s’affaiblir ses moyens de réparation des altérations cellulaires (pic de fréquence chez le sujet âgé)
- Absence d’élimination des cellules anormales : à l’état normal, le système immunitaire antitumoral veille à l’élimination de toute cellule anormale. Les déficits immunitaires sévères vont permettre l’émergence de clones tumoraux
Carcinome basocellulaire
Définition :
- Tumeur épithéliale maligne provenant du kératinocyte
- Plus fréquent chez les sujets de phénotype clair aux antécédents d’exposition solaire intense.
- Cancer cutané strict, survient d’emblée sur une peau saine
- Zones photo-exposées, ne touche jamais les muqueuses
- Pronostic favorable (jamais de métastase)
- Le potentiel invasif est purement local (malignité +++ locale)
- Traitement chirurgical
Épidémiologie :
- Le plus fréquent des cancers épithéliaux, représente à lui seul 70% des cancer épithéliaux.
- Incidence élevée dans les pays à fort ensoleillement (Australie +++)
- Sujet âgé, > 40 ans, de phénotype clair aux antécédents d’exposition solaire intense
- Facteurs de risque :
➢ Soleil : facteur carcinogène majeur, exposition solaire répétée (vacances, activité sportive) -> mesures de prévention et d’éducation scolaire
➢ Prédisposition génétique : sont plus fréquents chez les sujets à peau clair, phototype I/II
▪ MC1R : gène impliqué dans la pigmentation cutanée (mélanine photo-protectrice), certains variants sont des facteurs de risque de cancer cutané
▪ Géno-dermatoses prédisposent aux carcinomes basocellulaires : Xeroderma pigmentosum
➢ Immunodépression : les greffés d’organes font plus de carcinomes basocellulaires, VIH
Aspects cliniques :
- Lésion élémentaire : petite papule de la couleur de la peau normale transparente (translucide), laissant entrevoir les vaisseaux du derme sous- jacent sous forme de télangiectasies, cette lésion est appelée « perle épithéliomateuse »
➢ Siège : zones photo-exposées, dans 80% des cas : tête, cou, visage
- Formes cliniques :
➢ Forme nodulaire : la lésion élémentaire peut rester unique et augmenter de taille donnant un nodule de couleur rosée parcouru par de fines télangiectasies, forme la plus fréquente
➢ Plan cicatriciel : la lésion élémentaire se multiplie, plusieurs perles épithéliomateuses vont s’agencer en chapelet et prendre une disposition arrondie : centre lisse atrophique et périphérie surélevée par la juxtaposition des perles
➢ Carcinome basocellulaire tatoué : la lésion élémentaire va se pigmenter, des taches brunes, recouvrant la surface de la tumeur ≠ mélanome nodulaire
➢ Forme sclérodermiforme : plaque blanchâtre, dure et brillante limites imprécises, la surface est déprimée et rétractile, parcourue de télangiectasies. Récidive +++
➢ Forme ulcérée (ulcus rodens) : ulcération en coup d’ongle, d’extension lente, dont la bordure est perlée
➢ Forme térébrante : ulcération creusante avec un grand cratère nécrotique pouvant aboutir à de graves mutilations
Diagnostic :
- Diagnostic positif :
➢ Clinique : devant la fixité des lésions, la bordure perlée et la présence de télangiectasies
➢ Histologie : une prolifération de petites cellules basaloïdes à limites nettes rappelant les cellules de la couche basale épidermique. Ces cellules se regroupent en amas cellulaires compacts et prennent une disposition périphérique palissadique. La tumeur reste bien délimitée par rapport au reste du derme
- Diagnostic différentiel : carcinome spinocellulaire, mélanome malin (dans les formes pigmentées)
Évolution / Pronostic :
- Lente, métastases exceptionnelles
- Le carcinome basocellulaire a une évolution essentiellement locale
➢ Forme ulcérée : destruction du tissu sous cutané, du tissu cartilagineux ou du tissu osseux sous-jacent créant une porte d’entrée aux germes de surinfection et se compliquant d’infection naso-sinusiennes voire méningite septique source de mortalité
Traitement :
- Chirurgie : traitement de choix, permet un contrôle histologique des marges d’exérèse : exérèse chirurgicale complète + surveillance régulière à la recherche des récidives
- Autres armes thérapeutiques : en cas de topographie à risque et/ou lésions multiples ou sujet à risque : radiothérapie, cryothérapie à l’azote liquide, photothérapie dynamique
Prévention :
Fait appel à la photoprotection efficace c’est-à-dire :
- Vestimentaire : port de vêtements couvrant, chapeau
- Utilisation des écrans solaires : permet une photoprotection moindre, elle nécessite des applications répétées d’écrans solaires d’indice élevé
Carcinome spinocellulaire
Définition :
- Tumeur épithéliale maligne, primitive d’origine kératinocytaire, carcinome épidermoïde
- De novo ou sur précurseur (lésion précancéreuse), peau et muqueuses
- Extension à la fois locale, locorégionale et à distance
- 2e en fréquence des carcinomes kératinocytaires, 20% des cancers cutanés épithéliaux.
- S’observe chez le sujet d’âge avancé, après 60 ans de phototype clair et vivant en zones ensoleillées
Épidémiologie :
- Homme > femme, âge > 60 ans
- Incidence très élevée en Australie, l’incidence augmente avec l’âge
- Le risque de survenue d’un carcinome épidermoïde est lié à 2 facteurs : dose cumulative d’exposition solaire, phototype
Facteurs étiologiques (lésions précancéreuses)
- Précurseurs des carcinomes épidermoïdes cutanés :
➢ Kératose actinique : lésion fréquente sur les zones photo- exposées : visage, extrémités, cuir chevelu. Personne âgée, peau claire, lésion érythémateuse, brunâtre, rugueuse
➢ Kératose radio-induite
➢ Kératose des hydrocarbures polycycliques aromatiques : combustion incomplète du bois, charbon ou pétrole (produits de raffinage, carburants, goudron…)
➢ Cicatrices cutanées : brûlures, radiodermites -> surveillance régulière +++
➢ Plaies chroniques : ulcères de jambe chroniques -> risque de dégénérescence
- Précurseurs des carcinomes épidermoïdes des muqueuses :
➢ Lèvres :
▪ Chéilite actinique chronique : professionnels exposés au soleil : atrophie, érosion, squames, lèvre inférieure +++
▪ Chéilite tabagique : fumeur, plaque kératosique, blanchâtre
➢ Muqueuse anogénitale :
▪ Origine infectieuse :
✓ HPV : types oncogènes, maladie de Bowen, carcinome in situ
▪ Dermatose muqueuse :
✓ Lichen scléreux : dermatose chronique, prurit +++, vulve, lésion blanchâtre, sclérose
Clinique :
- Début : le carcinome spinocellulaire se développe souvent sur une lésion précancéreuse : kératose actinique, maladie de Bowen, cicatrice de brûlures, radiodermite, ulcération chronique. La lésion constituée associe 3 composantes : bourgeonnement, ulcération, infiltration
➢ Forme ulcéro-végétante : plus fréquente, tumeur saillante et infiltrante, surface irrégulière, siège d’une ulcération bourgeonnante et saignotant, bords indurés
- Siège des lésions : régions découvertes (tête, cou), membres inférieurs et supérieurs, atteinte des muqueuses et des demi-muqueuses : langue, lèvres, vulve et gland
Formes cliniques :
La tumeur associe en proportions variables les différents éléments sémiologiques :
- Forme ulcéro-végétante : la plus fréquente
- Forme ulcérée pure
- Forme végétante : en chou-fleur, facilement hémorragique
- Forme nodulaire : lésion saillante nodulaire, verruqueuse et croûteuse
Diagnostic positif :
Clinique + histologie
- Le carcinome épidermoïde doit être suspecté en présence de toute lésion précancéreuse, apparition d’une croûte, d’un bourgeonnement, d’un saignement, d’une induration cutanée, d’une infiltration sous-jacente. La présence d’un de ces signes doit imposer de faire une biopsie cutanée pour confirmer le diagnostic
- Histologie : prolifération de cellules de grandes tailles présentant de nombreuses mitoses et atypies cyto-nucléaires, ces cellules se regroupent en lobules ou en travées mal délimités, il existe une différenciation kératinisante sous forme de globes cornés, le derme sous-jacent est souvent envahi
Évolution / Pronostic :
- Cancer potentiellement invasif, extension locale de proche en proche
- Examen clinique : recherche d’adénopathie dans l’air de drainage lymphatique de la tumeur car les métastases ganglionnaires sont précoces. Devant tout signe d’appel, des examens paracliniques seront réalisés à la recherche de métastases hématogènes, hépatiques et pulmonaires
Traitement :
- Exérèse chirurgicale : complète jusqu’à l’hypoderme -> tumeur de petite taille et de bon pronostic.
➢ En cas de topographie à risque esthétique et/ou fonctionnel -> cryochirurgie, radiothérapie, laser…
➢ En cas de métastases : chirurgie, traitements palliatifs
Prévention :
- Photoprotection solaire.
- Traitement de toute lésion précancéreuse.
- Dépistage et surveillance des sujets à haut risque.
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