Chaine respiratoire et oxydations phosphorylantes

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I/ Introduction :

La quantité d’ATP dont un être humain a besoin pour vivre est impressionnante. Un homme sédentaire de 70 kg requiert environ 2000 kcal pour un jour d’activité. Pour fournir autant d’énergie, il faut 83 kg d’ATP. Cependant, un être humain ne contient qu’environ 250 g d’ATP. La disparité entre la quantité d’ATP que nous possédons et la quantité que nous dépensons est expliquée par le recyclage de l’ADP en ATP. Chaque molécule d’ATP est recyclée environ 300 fois par jour. Ce recyclage est effectué principalement par la phosphorylation oxydative.

L’énergie emmagasinée dans les lipides, les glucides et les protéines doit être convertie en une forme immédiatement utilisable. Les réactions d’oxydation du catabolisme (glycolyse, (3 oxydation des acides gras, catabolisme des acides aminés, cycle de l’acide citrique) enlèvent aux substrats des atomes d’hydrogène (protons + électrons) qui sont pris en charge par les coenzymes NAD et FAD.

– D’une part, la ré-oxydation de ces coenzymes est indispensable à l’entretien du catabolisme oxydatif.

D’autre part, le pouvoir réducteur de ces coenzymes est utilisé à la synthèse d’ATP.

Le processus qui couple la ré-oxydation des NADH, H+ et FADH2 à la synthèse d’ATP par phosphorylation de l’ADP est appelé oxydations phosphorylantes

NB : On peut dire aussi phosphorylations oxydatives, mais cette appellation reste impropre car ce sont les oxydations qui précèdent la phosphorylation.

II/ vue générale sur la chaine respiratoire mitochondriale :

Dans la chaine respiratoire, les électrons provenant de différentes réactions intracellulaires sont pris en charge. Ils parcourent une suite d’étapes redox en direction de l’oxygène pour réduire ce dernier finalement en eau. C’est par étape que l’énergie libre nécessaire à la synthèse d’ATP est fournie par l’oxydation des NADH, H+ et des FADH2. Les équivalents réducteurs sont transférés de couple redox en couple redox dans le sens du gradient de potentiel redox du plus négatif vers le plus positif, jusqu’à l’oxygène moléculaire. Ces couples redox transfèrent soit un ion hydrure(NAD), soit deux atomes d’hydrogène (FAD, coenzyme Q), soit un électron (cytochromes). L’ensemble de ces coenzymes d’oxydoréduction et des enzymes dont ils sont le groupement prosthétique constitue la chaine respiratoire.

Au cours de leur trajet, les électrons abandonnent leur énergie pour constituer un gradient de protons à travers la membrane interne de la mitochondrie. Ce gradient permet la production d’ATP à partir d’ADP et de phosphate inorganique.


La chaîne respiratoire est localisée dans la membrane interne des mitochondries où se trouvent les transporteurs d’é.

Elle produit de l’ATP et de l’eau selon un processus couplé constitué de deux sous-ensembles distincts qui ont une fonction propre :

  • La chaine d’oxydoréduction produit l’H20 par transport vers l’02 des hydrogènes (H+ et é) des coenzymes réduits : c’est la respiration cellulaire
  • La phosphorylation de l’ADP en ATP est réalisée grâce à l’énergie produite graduellement par la chaine d’oxydoréduction

L’association de ces deux types de réaction c’est l’oxydation phosphorylante.

1/ Origine des H2 et 02 nécessaires à la chaine :

  • H2 provient des coenzymes réduits : NADH, H+ et FADH2. Ces deux coenzymes réduits sont les substrats de la chaine respiratoire mitochondriale
  • 02 moléculaire est apporté aux tissus par la respiration, la circulation sanguine et la diffusion dans les tissus.

2/ Localisation des coenzymes réduits :

  • FADH2 : mitochondries
  • NADH, H+ :

– mitochondries : entre directement dans la chaine
– cytosol : nécessité de « navettes » pour rentrer dans les mitochondries car les nucléotides ne traversent pas la membrane mitochondriale.

3/ Eléments de la chaine d’oxydoréduction mitochondriale :

La phosphorylation oxydative comprend deux parties : durant la première phase, des électrons (é) sont t transmis du NADH et du FADH2 à de l’02 ; ce transport d’électrons est couplé à la translocation de protons (H+) de la matrice vers l’espace intermembranaire. Durant la deuxième phase, l’énergie emmagasinée de façon

intermédiaire, sous forme d’un gradient de protons à travers la membrane mitochondriale interne, est mobilisée par un courant inverse de H+ vers la matrice pour permettre la synthèse d’ATP.

La chaine respiratoire localisée dans la membrane mitochondriale interne est constituée :

  • de quatre transporteurs d’é appelés complexes de GREEN (I, II, III, IV) qui sont fixes, formés de protéines enchâssées dans la membrane interne (le complexe II étant sur la face matricielle) et liés à des groupements prosthétiques d’oxydoréduction : FAD, FMN, protéines à centre Fer-Soufre et cytochromes.
  • deux transporteurs mobiles d’électrons (ubiquinone et cytochrome C) qui assurent la continuité de la chaine en reliant les éléments fixes.

Le transport d’é du complexe I au complexe IV est séquentiel :

l-UQ – III – cyt – IV

Ou ll-UQ – III-cyt-IV

III/ Les quatre complexes transporteurs de GREEN :

1/ Complexe I : NADH – Coenzyme Q oxydoréductase

  • Catalyse le transfert de l’hydrogène du NADH, H+ vers l’ubiquinone Contient la FMN et plusieurs protéines à centre Fer-Soufre

Il reçoit les équivalents réducteurs du NADH, H+ :

– D’origine mitochondriale : P oxydation des acides gras, transformation du pyruvate en acétyl-CoA et cycle de l’acide citrique.

– D’origine cytosolique : glycolyse

  • L’entrée du NADH, H+ dans la chaine se fait au niveau du complexe I
  • Le substrat du complexe I est le NADH, H+(E° = – 0,32 V) et l’accepteur de H+ et é est le Coenzyme Q (ubiquinone) (E° = 0,06 V)
  • l’objectif du complexe I est de réoxyder le NADH, H+ en NAD+ et de transférer 2H+ 2é sur le Coenzyme Q à travers le FMN et les protéines à centre Fer-Soufre.

NADH, H+ + UQ (Ubiquinone) —–► NAD+ UQH2 (ubiquinol)

  • L’ubiquinol formé est très mobile dans la membrane et migre vers le complexe III
  • Le complexe I est un site de pompage des H+ : en effet cette réaction d’oxydoréduction est exergonique et libère suffisamment d’énergie dont une partie est utilisée par l’enzyme pour déplacer des protons depuis la matrice vers l’espace inter-membranaire ; c’est un saut d’énergie suffisant.

2/Complexe II : ou succinate-Coenzyme Q oxydoréductase assemble :

  • la succinate-déshydrogénase, à coenzyme FAD, enzyme qui catalyse la 6ème réaction du cycle de l’acide citrique.
  • plusieurs protéines à centre Fer-Soufre.

Ce complexe établit un lien direct entre le cycle et la chaine. Il reçoit les équivalents réducteurs du FADH2 produits par le cycle de l’acide citrique et les passe au coenzyme Q à travers les protéines à centre Fer-Soufre :

FADH2 + CoQ —–► FAD + CoQH2

Le coenzyme Q est donc réduit par le complexe I, par le complexe II et également par le FADH2 issu de la p- oxydation des acides gras et par le FADFI2 de la navette du glycérol-3-phosphate qui a pris en charge les équivalents réducteurs du NADH, H+ d’origine glycolytique.

Ainsi par le coenzyme Q transitent tous les équivalents réducteurs issus du catabolisme oxydatif.

  • Contient des protéines fer-soufre et du cytochrome b
  • L’entrée du FADH2 dans la chaine se fait au niveau du Complexe II
  • Substrats du Complexe II : FADFI2 et succinate ; l’accepteur de H+ + é est le Coenzyme Q
  • Objectifs du Complexe II :
  • Oxyde le succinate en fumarate par la succinate déshydrogénase à FAD (enzyme du Complexe II et du cycle de KREBS). La réaction à un E° = 0,03 V
  • Réoxyde le FADFI2 lié à la succinate déshydrogénase à FAD
  • Transfert de 2 é et 2 H+ sur UQ ——►UQH2
  • UQ.H2 migre vers le Complexe III
  • Au niveau de ce complexe II l’énergie libérée par cette réaction n’est pas suffisante pour qu’il y ait un pompage de protons.

Deux autres enzymes à FAD constituent des variantes du complexe II ; il s’agit de :

  • La glycérol-3-P déshydrogénase : côté espace inter-membranaire
  • L’acyl CoA déshydrogénase (β oxydation des AG) : côté matrice

3/ Complexe III ou coenzyme QH2 – cytochrome c oxydoréductase assemble :

  • 2 cytochromes b
  • une protéine à centre fer-soufre
  • et le cytochrome cl

Il reçoit les équivalents réducteurs du coenzyme QH2 et les passe au cytochrome c à travers les cytochromes et la protéine à centre fer-soufre :

Ce complexe capte les électrons (mais sans protons) de l’ubiquinol et les transmet sur deux molécules de cytochrome c. La cytochrome c oxydoréductase contient deux types de cytochrome : b et cl ainsi qu’une protéine fer-soufre

UQH2 + 2 cyt. C (Fe+++) ————–►UQ + 2 cyt. C(Fe++) + 2H+

  • Le cytochrome C est une petite protéine mobile, soluble qui fonctionne comme transporteur d’électrons entre lés complexes III et IV ; A cause de sa bonne solubilité dans l’eau, il se trouve du côté externe de la membrane interne où a lieu la réaction.

Cette réaction d’oxydoréduction est exergonique et libère suffisamment d’énergie qui est utilisée par l’enzyme pour déplacer des protons depuis la matrice vers l’espace inter-membranaire (saut d’énergie suffisant).

4/ Complexe IV ou cytochrome c oxydase assemble :

  • le cytochrome a
  • le cytochrome a3
  • et deux ions cuivre

Il reçoit les équivalents réducteurs du cytochrome c et les passe à l’oxygène moléculaire, à travers les cytochromes a et a3 :

2cyt.c (Fe++) + >4 02 + 2H+ ► 2 cyt. C (Fe+++) + H20

L’oxygène moléculaire peut être considéré comme une « poubelle » où sont jetés les électrons une fois vidés de l’énergie.

La cytochrome C oxydase est la dernière enzyme de la chaine respiratoire mitochondriale. Elle contient deux noyaux hèmes appelés a et a3, chacun d’entre eux étant associé à un atome de cuivre. Les électrons qui sont le substrat de l’enzyme sont apportés par le cytochrome C de l’espace inter-membranaire puis transférés par l’enzyme vers l’oxygène de la respiration qui diffuse des vaisseaux vers la matrice des mitochondries.

Cette réaction d’oxydoréduction est exergonique et libère suffisamment d’énergie dont une partie est utilisée par l’enzyme pour déplacer des protons depuis la matrice vers l’espace inter-membranaire. Ce pompage de protons est donc couplé à la réaction d’oxydoréduction.

IV/ Bilan énergétique de la chaine respiratoire mitochondriale :

NADH + H+ + ½ 02 ———-► H20 + NAD+ ΔG° =- 220 KJ/ mole = – 52,6 Kcal/mole

ADP + Pi + H+ ——–► ATP + H20 ΔG° = + 30,5 KJ/ mole = + 7,3 Kcal/mole

  • La synthèse d’ATP est proportionnelle au gradient de protons
  • 3 sites de production car variation d’énergie suffisante : complexes I, III, IV
  • Rendement théorique : 3 ATP par paire d’é du NADH, H+ et 2 ATP par paire d’é du FADH2 V/ Complexe V : ATP – synthase
  • Le complexe V n’est pas un transporteur d’é

– Il est constitué de deux éléments :

  • La sous-unité Fl ou facteur de couplage (corpuscule de GREEN) elle est située du côté de la matrice et constituée de plusieurs sous-unités polypeptidiques différentes qui produisent l’ATP dans la mitochondrie.
  • La sous-unité FO transmembranaire : c’est un canal constitué de 4 chaines polypeptidiques différentes. A travers lui les protons regagnent la matrice mitochondriale (canal protonique)

Contrairement aux autres enzymes de la chaine respiratoire mitochondriale, l’ATP synthase pompe les protons de l’espace inter-membranaire vers la matrice. Ce faisant, elle récupère l’énergie que les autres enzymes de la chaine utilisent pour accumuler les protons dans l’espace inter-membranaire.

Cette énergie est couplée à la réaction de phosphorylation de l’ADP par un phosphate minéral en présence de Mg++.

Deux proteines transporteuses (ATP translocase et porine) permettent enfin au coenzyme ATP/ADP de passer à travers les membranes.

VI/ Couplage entre chaine de transport d’é et ATP synthase : théorie chimiosmotiaue (P. MITCHELL (1961)

Cette théorie suppose que le transfert d’électrons et la synthèse d’ATP sont couplées grâce à un gradient de protons qui s’établit à travers la membrane mitochondriale interne. Le transfert d’électrons dans la chaine respiratoire mitochondriale conduit à un pompage de protons de la matrice vers l’espace inter-membranaire. Cette activité de pompage des H+ par les complexes I, III, IV conduit à une grande différence de concentration des H+ : il s’établit un gradient de concentration des H+. Ce gradient se manifeste par une différence de PH entre la matrice et l’espace inter-membranaire (ce dernier étant plus acide que la matrice).

Le complexe V (ATP synthase mitochondriale) laisse au contraire revenir les H+ de l’espace inter-membranaire vers la matrice et utilise l’énergie produite pour phosphoryler l’ADP en ATP

VII/ Régulation de la chaine respiratoire :

Le contrôle de la chaine respiratoire et donc de la synthèse d’ATP se fait par :

  • La disponibilité de l’ADP : A l’état basal, ATP » ADP

Si [ADP] augmente, la vitesse de la chaine respiratoire augmente très rapidement et de façon très intense.

  • Contrôle respiratoire :

Une inhibition du transfert d’électrons à l’oxygène, bloque la synthèse d’ATP Réciproquement, une inhibition de l’ATP synthase bloque le transfert des électrons VIII/ Agents découplant et inhibiteurs de la chaine respiratoire :

1/ Découplage du transport d’électrons et de la synthèse d’ATP :

Normalement la chaine respiratoire et la phosphorylation oxydative sont associées. Mais le gradient de protons formé peut être dégradé sans que les protons ne traversent l’ATP synthase pour rejoindre la matrice

mitochondriale: il n’y aura pas d’ATP produit mais seulement de la chaleur. Cette perte de contrôle respiratoire

conduit à une consommation d’oxygène accrue et à l’oxydation du NADH.

  • Tissu adipeux brun: retrouvé chez les animaux capables d’hiberner, chez les nouveau- nés et chez l’adulte surtout les femmes. C’est un tissu particulier très riche en mitochondries dont la couleur est due à une combinaison de la couleur verte des cytochromes dans les mitochondries et l’hémoglobine rouge présente dans l’irrigation sanguine qui aide à transporter la chaleur vers le corps. Il réalise un découplage contrôlé de la chaine respiratoire destiné à maintenir la température corporelle, ce qui est vital pour le nouveau-né. En effet, la membrane mitochondriale interne de ces mitochondries contient une grande quantité de protéine découplante 1 (UCP 1) ou thermogénine qui accueille le flux de protons s’écoulant du cytoplasme vers la matrice. L’énergie du gradient de proton, normalement capturé sous forme d’ATP, est libérée sous forme de chaleur lorsque les protons circulent à travers l’UCP 1 vers la matrice mitochondriale. Cette voie est activée lorsque la température corporelle commence à chuter.
  • Hormones thyroïdiennes: augmentent le métabolisme de base par induction de la thermogénine
  • 2-4 Dinitrophénol: c’est un agent découplant de la chaine respiratoire qui est employé comme ingrédient actif de quelques herbicides et fongicides

2/ Inhibiteurs de la chaine respiratoire :

Plusieurs poisons puissants et mortels exercent leur effet en inhibant la phosphorylation oxydative en un point précis de plusieurs étapes différentes.

La roténone qui est utilisée comme poison des insectes et des poissons et l’amytai un sédatif barbiturique bloquent le transfert des électrons dans la NADH- COQ oxydo- réductase et empêchent donc l’utilisation du NADH comme substrat.

Tous les inhibiteurs qui peuvent entrainer un empoisonnement chez l’homme, bloquent l’activité de la cytochrome oxydase (complexe IV de la chaine respiratoire) entraînant une asphyxie interne.

Le monoxyde de carbone: gaz qui peut provoquer un empoisonnement mortel chez l’homme. Le CO se lie au fer du groupement hème avec une affinité 200 fois supérieure à celle de l’oxygène entraînant un déplacement de l’oxygène de sa liaison avec l’hémoglobine. D’autre part la cytochrome oxydase est aussi bloquée car l’affinité de celle-ci pour le CO est 40 fois supérieure à l’affinité pour l’oxygène.

L’acide cyanhydrique et le cyanure de potassium:

– l’HCN est absorbé essentiellement sous forme de gaz (effet en quelques secondes)

– !e K+CN est absorbé par voie orale (effet en quelques minutes)

La cible principale est la cytochrome oxydase cellulaire. La liaison du cyanure interrompt le transfert des électrons vers l’oxygène. La chaine respiratoire est arrêtée et la cellule meurt rapidement d’un manque d’ATP.

Cours du Dr N.KOUIDER – Faculté de Constantine

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