Medicinus – Cours de Médecine en ligne

Complications aigues du diabète sucré

Complications aigues du diabète sucré
(Last Updated On: 15 août 2018)

I- Introduction :

Le diabète est la première cause de cécité avant l’âge de 50 ans, de prise en charge en dialyse pour insuffisance rénale terminale, ou encore d’amputation des membres inférieurs. Cinquante pour cent des diabétiques meurent d’insuffisance coronaire prématurée.Pourtant, un tiers à la moitié des complications du diabète pourraient être évités

Il faut distinguer les complications métaboliques (les comas hypoglycémique, hyperosmolaire, acidocétosique et l’acidose lactique), les complicationsmicroangiopathiques (rétinopathie, néphropathie,neuropathie), et enfin les complications macroangiopathiques

II- Complications métaboliques :

A- Hypoglycémies :

1- Hypoglycémies du diabétique insulinotraité :

a- Définitions :

On parle d’hypoglycémie lorsque la valeur de la glycémie est inférieure à 0,70 g/L.On distingue :

Les hypoglycémies symptomatiques(présence de manifestations cliniques), les hypoglycémies asymptomatiques (abaissement glycémique sans symptômes cliniques), les hypoglycémies symptomatiques probables (non confirmées par une mesure glycémique) et enfin les hypoglycémies relatives (symptômes d’hypoglycémie avec une glycémie concomitante supérieure à 0,70 g/L).

L’hypoglycémie est dite sévère lorsque son traitement nécessite l’intervention d’une tierce personne.

b- Circonstances de survenue :

L’hypoglycémie résulte d’une inadéquation de l’insulinémie par rapport à la glycémie,à savoir :
– un surdosage accidentel ou volontaire en insuline.
– une insuffisance d’apports glucidiques (repas insuffisant ou décalé, vomissements, gastroparésie, etc.).
– une consommation excessive de glucose liée à l’activité physique.
– un défaut de contre-régulation hormonale (neuropathie végétative).

c- Manifestations cliniques :

Elles sont habituellement classées en :

d- Traitement :

Les hypoglycémies mineures sont habituellement traitées par la prise de 2 ou 3 morceaux de sucre ou d’un petit verre de jus de fruit ou d’une préparation de gel contenant du glucose. Quand elles surviennent dans un contexte de manifeste surdosage en insuline ou d’une activité physique soutenue, il faut compléter la prise de sucre rapide par celle d’un glucide d’action lente.

Lorsqu’il existe des troubles de la conscience, il faut recourir au glucose intraveineux (30 à 50 mL de soluté glucosé à 50 % puis perfusion de soluté glucosé à 5 %). L’alternative est l’injection intramusculaire ou sous-cutanée d’une ampoule de glucagon (1 mg) qui peut être effectuée par une personne informée de l’entourage du patient. Elle est efficace en l’absence d’épuisement des réserves glycogéniques (jeûne, activité physique soutenue).

e- Prévention des hypoglycémies sévères :

Tout diabétique insulinotraité doit être informé des manifestations cliniques précoces et circonstances de survenue de l’hypoglycémie et avoir à sa disposition en permanence quelques morceaux de sucre.

Lorsqu’il existe un risque important d’hypoglycémie sévère, en particulier du fait de la non-perception des hypoglycémies, il faut renforcer l’autosurveillance.L’éducation thérapeutique tient une place importante dans la prévention des hypoglycémies sévères

2- Hypoglycémies du diabétique de type 2 non insulinotraité :

Les médicaments incriminés sont essentiellement les sulfamides hypoglycémiants (sulfonylurées) et les glinides.

Les facteurs favorisants de ces hypoglycémies sont représentés par :

Principales interactions médicamenteuses exposant au risque d’hypoglycémies avec les sulfamides hypoglycémiants (SH) et le répaglinide (R).

Associations contre-indiquées Associations déconseillées Associations nécessitant des précautions d’emploi (surveillance renforcée)
– Miconazole (voie générale ou gel) + SH -Gemfibrozil+ R
  • Phénylbutazone + SH -Alcool + SH ou R
  • Fluconazole+ Glimépiride
-Salicylés, acide para- aminosalicylique -Sulfamides antibiotiques, quinolones, clarithromyicne
  • Kétoconazole, fluconazole, itraconazole -Coumariniques
  • ^-bloquants, IEC
  • Fibrates
  • Fluoxétine, inhibiteurs de la monoamine-oxydase
  • Allopurinol
  • Pentoxyphilline

– Analogues de la somatostatine

Pour des raisons souvent multiples, les diabétiques âgés sont particulièrement exposés aux hypoglycémies sévères.

Le traitement des hypoglycémies sévères nécessite en principe l’hospitalisation. Il doit tenir compte de la vitesse d’élimination du produit et/ou de ses métabolites éventuellement actifs, de leur fréquente accumulation et de la potentialisation de l’insulinosécrétion sous l’effet de l’administration de glucose. Il convient donc de perfuser du soluté glucosé à 10 % sur une durée prolongée, parfois supérieure à 48 heures, souvent à raison de 3 ou 4 L par 24 heures, en ajustant le débit en fonction des résultats des glycémies capillaires.

La prévention des hypoglycémies sévères suppose une information correcte du patient et/ou de son entourage

Informer l’entourage de la possibilité d’hypoglycémie en cas de modification rapide de l’humeur ou du comportement d’un sujet âgé.

B- Acidocétose :

L’acidocétose diabétique est une complication métabolique mettant en jeu le pronostic vital et survenant dans plus de 90 % des cas dans le contexte d’un diabète de type 1, soit encore méconnu, soit à l’occasion d’une rupture thérapeutique ou d’une mauvaise adaptation du traitement lors d’une affection intercurrente.

1- Physiopathologie :

L’acidocétose résulte d’une carence absolue ou relative en insuline conduisant à une hyperglycémie par diminution de l’utilisation périphérique du glucose et augmentation de sa production hépatique. Celle-ci conduit à une polyurie osmotique et une perte électrolytique ; la déshydratation extracellulaire déclenche des mécanismes d’adaptation visant à retenir du sodium au prix d’une aggravation de la fuite potassique. La carence en insuline et l’augmentation des hormones de contre-régulation vont également favoriser la lipolyse et la P-oxydation des acides gras conduisant à la production hépatique de corps cétoniques, acide acéto-acétique et acide P-hydroxybutyrique.

L’acidose métabolique qui résulte de l’accumulation des corps cétoniques est responsable d’un transfert du potassium du milieu intracellulaire vers le milieu extracellulaire qui masque l’importance de la perte potassique.

2- Manifestations cliniques :

L’acidocétose s’installe habituellement sur plusieurs heures, voire dans certains cas quelques jours.

Le tableau clinique associe :

3- Examens complémentaires :

4- Traitement :

– Lors de la phase de constitution d’une acidocétose, sa prise en charge ambulatoire est possible par l’administration de suppléments d’insuline rapide associés à un apport glucidique et une hydratation correcte.

– Une fois l’acidocétose installée, l’hospitalisation est nécessaire, si possible en milieu de réanimation en cas de signes de gravité (coma profond, collapsus, acidose sévère [pH <7], hypokaliémie <4 mmol/L ou hyperkaliémie >6 mmol/L).

La prise en charge comporte trois volets principaux :

En raison de ses risques accrus d’hypokaliémie précoce et de défaillance viscérale, la correction de l’acidose par une perfusion de 500 mL de soluté bicarbonaté isotonique (14 g/L) n’est recommandée qu’en cas d’acidose sévère (pH <7) persistante une heure après le début du traitement.

5- Surveillance :

6- Complications :

– Infectieuses (pneumopathies, infections urinaires, oesophagites etc.) favorisées par la déshydratation et conduisant à limiter le sondage urinaire aux patients comateux ; thromboemboliques ; digestives : vomissements hémorragiques, pancréatite aiguë ;
– iatrogènes :
– hypoglycémie,
– hypokaliémie
– hypophosphorémie sévère avec manifestations neurologiques et musculaires et parfois anémie hémolytique,
– oedème cérébral par abaissement trop rapide de l’osmolarité,
– surcharge hydrosodée avec oedème aigu du poumon
– acidose hyperchlorémique favorisée par les perfusions de NaCI et KCI, habituellement sans conséquences cliniques et spontanément résolutive.

C- États hyperosmolaires :

C’est une hyperglycémie sévère sans cétose, accompagnée d’une déshydratation majeure.

1- Physiopathologie :

L’état hyperosmolaire s’installe habituellement sur plusieurs jours à la faveur d’une carence insulinique, moins profonde que celle conduisant à l’acidocétose.L’activation des hormones contre-régulatrices conduit au développement progressif d’une hyperglycémie, mais la cétogenèse reste modérée. L’hyperglycémie déclenche une polyurie osmotique et un mouvement d’eau du secteur intracellulaire vers le secteur extracellulaire. Initialement, la polyurie s’accompagne de pertes sodées, mais à mesure que la déshydratation progresse, s’installe une insuffisance rénale fonctionnelle qui va conduire à une majoration importante de l’hyperglycémie et à l’installation d’une hypernatrémie.

2- Facteurs favorisants :

Les états hyperosmolaires s’installent dans l’immense majorité des cas chez des diabétiques de type 2 non insulinotraités. L’âge supérieur à 70 ans, les troubles cognitifs, les limitations à l’accès aux boissons, la vie en institution, un traitement par diurétiques ou corticoïdes représentent des facteurs favorisants fréquemment retrouvés. Très souvent, interviennent des facteurs déclenchants infectieux (pneumopathies, sepsis), neurologiques (AVC, hématome sous-dural), un infarctus du myocarde ou une pathologie digestive.

3- Manifestations cliniques :

la déshydratation s’installe se traduisant uniquement par une asthénie et une perte de poids.

Progressivement, les troubles de la conscience s’aggravent avec installation d’un état stuporeux, puis d’un coma profond, parfois accompagné de crises partielles ou généralisées. La perte d’eau dépasse habituellement 5 L. La déshydratation intracellulaire prédomine mais le compartiment extracellulaire est également concerné (pli cutané, hypotension artérielle). Un collapsus cardiovasculaire peut s’installer, surtout en cas de traitement antihypertenseur.

4- Biologie :

– La glycémie excède en général largement 6 g/L

– l’osmolarité plasmatique 350 mOsm/L.- La natrémie apparaît souvent normale initialement, mais sa valeur doit être corrigée en fonction de l’hyperglycémie [natrémie + 1,6 (glycémie – 1)]. Elle s’élève au-delà de 150 mmol/L dans les formes plus sévères.-des stigmates d’hémoconcentration : élévation de l’hématocrite, de la protidémie et de l’urée. -La kaliémie est le plus souvent normale car la sortie du potassium du compartiment cellulaire compense les pertes urinaires.

– Une insuffisance rénale apparaît à mesure que la déshydratation extracellulaire s’accentue. Il n’y a pas d’acidose métabolique, -l’élévation des lactates et du |3-OH butyrate restant modérée.

5- Traitement :

La priorité est la correction de l’hypovolémie et la prévention de l’insuffisance rénale et du collapsus administrer 1 L de soluté salé isotonique la Ire heure, puis 1 à 2 L de soluté salé isotonique au cours des 3 heures suivantes. Un soluté de remplissage macromoléculaire doit être perfusé en cas de collapsus.

Le comblement du déficit hydrique après la phase initiale de correction de l’hypovolémie doit éviter l’utilisation de solutions hypotoniques afin de ne pas provoquer une chute trop rapide de l’osmolarité pouvant conduire à l’oedème cérébral. Un total de 6 à 10 L de liquide sera ainsi administré en 24 heures, dont la moitié au cours des 8 premières heures.

Les pertes potassiques doivent être compensées en fonction des résultats de la kaliémie, il n’y a pas de risque majeur d’hypokaliémie sévère du fait de l’absence d’acidose.

L’insulinothérapie intraveineuse continue doit viser à obtenir une réduction progressive de la glycémie pour atteindre des valeurs de l’ordre de 3 g/L après 12 heures.

La prévention des escarres, des infections nosocomiales et des complications thromboemboliques (héparinothérapie préventive) est fondamentale chez ces sujets âgés, fortement déshydratés.

La surveillance clinique porte sur la fréquence cardiaque, la pression artérielle, la diurèse, l’état de conscience. Un monitoring cardiaque est nécessaire en cas de troubles électrolytiques. La glycémie capillaire doit être surveillée toutes les heures. L’ionogramme sanguin doit être contrôlé toutes les 4 heures.

6- Prévention du coma hyperosmolaire :

Informer le patient et son entourage :

manifestations précoces, même en cas de diabète peu sévère :

D- Acidose lactique :

Une acidose lactique peut survenir chez un sujet diabétique dans les mêmes circonstances que chez le non-diabétique, mais cette complication peut également être induite par la metformine.

1- Physiopathologie :

La production d’acide lactique résulte de la transformation sous l’effet de la lacticodéshydrogénase, du pyruvate produit par la glycolyse. Cette réaction conduit normalement à l’obtention d’un rapport lactate/pyruvate de 10 et une concentration de lactate au repos de l’ordre de 0,75 mmol/L. En aérobie, le pyruvate peut être transformé en acétylCo-A, et entrer dans le cycle de Krebs et le lactate peut être retransformé en pyruvate en présence de NAD (nicotinamide adénine dinucléotide) oxydé et subir ensuite le même sort. En situation d’anoxie tissulaire, l’équilibre se déplace dans le sens du lactate qui constitue le métabolite final de la glycolyse. La production d’acide lactique peut ainsi dépasser les possibilités d’utilisation tissulaire et d’élimination hépatique et rénale et une acidose métabolique peut s’installer, à l’origine d’un cercle vicieux faisant intervenir la baisse du débit cardiaque et de la perfusion tissulaire et l’inhibition fonctionnelle de la pyruvate- carboxylase hépatique.

La metformine augmente la production de lactate car elle inhibe la phosphoénol pyruvate- carboxykinase qui permet l’entrée du pyruvate dans la voie de la néoglucogenèse. Une acidose lactique et susceptible de se développer chez le patient traité par metformine soit à la faveur d’une intoxication par le produit (insuffisance rénale), soit à l’occasion d’une ischémie tissulaire, et ceci même en présence de concentrations plasmatiques normales de metformine.

2- Manifestations cliniques et biologiques :

Au cours de la phase prodromique : une asthénie, des crampes musculaires, des douleurs abdominales et thoraciques qui doivent conduire à interrompre immédiatement le traitement par metformine.

Lorsque l’acidose est installée : un état d’agitation anxieuse, puis des troubles de la conscience, une respiration acidosique, une tachycardie, une chute de la pression artérielle et une oligurie expliquant l’absence habituelle de déshydratation, une hypothermie. Non traitée, l’évolution se fait vers le collapsus cardiovasculaire, l’anurie, les troubles du rythme liés à l’hyperkaliémie.

– La confirmation du diagnostic repose sur la mise en évidence d’un tableau biologique d’acidose métabolique sévère, la présence d’un trou anionique largement supérieur à 12 mmol/L et une élévation du taux artériel de lactate au-dessus de 6 mmol/L avec une majoration du rapport lactate/pyruvate. L’élévation des corps cétoniques est habituelle. La fonction rénale est généralement altérée. La glycémie est quant à elle variable.

3- Traitement :

L’acidose lactique constituée nécessite une prise en charge en réanimation médicale . En dehors des mesures générales, son traitement repose avant tout sur la restauration de l’état hémodynamique et ventilatoire et le traitement de l’affection causale. La lutte contre le collapsus nécessite un remplissage vasculaire et une bonne oxygénation tissulaire.

La dialyse est utile en cas d’insuffisance rénale et lorsqu’il existe une accumulation de metformine (dosage plasmatique) car cette dernière est facilement dialysable

4- Traitement préventif :

Il repose avant tout sur le respect des contre-indications et précautions d’emploi de la metformine -interruption temporaire en cas d’affection intercurrente sévère, d’intervention chirurgicale ou d’injection de produit de contraste iodé, surveillance régulière de la créatininémie chez les patients traités au long cours, en particulier âgés, et en présence de traitements susceptibles d’altérer la fonction rénale.

Cours du Dr S. Bensalem – Faculté de Constantine

Quitter la version mobile