Corticothérapie

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(Last Updated On: 1 octobre 2018)

I- Introduction :

Historique de la corticothérapie

La cortisone a été découverte en 1935 par un biochimiste américain Edward Calvin. Kendall (1886 – 1972), Prix Nobel de Médecine et de Physiologie en 1950 avec T. Reichstein (1897 – 1996) et P. Showalter Hench (1896 – 1955). (1)

Définition :

Le terme « corticoïdes » est une contraction de corticostéroïdes et correspond aux hormones naturelles sécrétées par les glandes surrénales ainsi qu’à leurs dérivés synthétiques, on exclu de ce groupe les hormones minéralocorticoïdes et androgènes sécrétées par ces mêmes glandes surrénales.

II- Épidémiologie :

Les corticoïdes sont souvent prescrits dans les pathologies dermatologiques, broncho-pulmonaires, rhumatologiques, neurologiques, cancéreuses et autres pour leurs effets surtout anti-inflammatoire et immunosuppresseur En France plus de deux millions d’ordonnances par an comportent la prescription de glucocorticoïdes et plusieurs centaines de milliers de personnes sont traitées chaque année par des corticoïdes, sur des périodes le plus souvent courtes.

L’âge moyen des patients traités de façon prolongée par cortisone est de l’ordre de 65 ans à 70 ans et celui des patients traités par cortisone sur de plus courte période est de l’ordre de 55 ans, 60 % des prescriptions sont destinées à des femmes (2).

III- Corticoïdes naturels et stéroïdes de synthèse :

Un glucocorticoïde ou corticoïde est un stéroïde naturel ou synthétique susceptible d’exercer une activité métabolique et mimant qualitativement l’activité du cortisol qui est l’hormone glucocorticoïde physiologique.

A- Les corticoïdes naturels :

Elles sont synthétisées dans la surrénale à partir du cholestérol à la suite de transformations enzymatiques initiées par l’hormone adrénocorticotrope antéhypophysaire (ACTH).

L’hydrocortisone ou cortisol est l’hormone humaine sécrétée à raison de 20 mg/j (15 à 30 mg) en moyenne selon un rythme circadien (pic matinal à 8h puis décroissance dans la journée).

Les corticostéroïdes naturels possèdent l’une ou l’autre des propriétés suivantes :

  • Une activité glucocorticoïde prédominante, comme le cortisol,
  • Une activité minéralocorticoïde prédominante, comme l’aldostérone.
  • Les corticoïdes naturels sont la cortisone et l’hydrocortisone. Ces deux hormones sont essentiellement utilisées comme traitement substitutif de l’insuffisance surrénalienne (maladie d’Addison*).

Tableau I: Sécrétion de la surrénale (3)

Zona
Glomérulée
Zone
Fasciculée
Zone
Réticulée
Molécule(s) syntftétisée(s) Minéralocorticoïdes :
Aldostérone
Glucocorticoïdes :
Cortisol, Cortisone et Cortioosténone
Androgène» :
Dénydroépiandrosténe (DHEA. DHEAS)Oestroaènes :
en petite quantité
Régulation par Angiotensine II (Système Rénine Angiotensine Aldostérone = SRAA).

ACTH
(Adréno-CorticoT rophme Hormone)

Kaliémie

CRH
(Corticotropin Releasing Hormone)ACTH
(Adréno-CorticoTrophme Hormone)

Effets physiologiques: Le cortisol est responsable de plusieurs effets physiologiques

  • Il possède un rôle dans le maintien de l’homéostasie métabolique et énergétique.
  • En réponse à un stress, il permet la mobilisation rapide des glucides, des lipides et des protéines.
  • Il intervient également dans l’équilibre hydro-électrolytique et influence de nombreuses fonctions de l’organisme notamment musculaires, cardiavasculaires, rénales et cérébrales.

B- Les stéroïdes de synthèse :

À partir des corticoïdes naturels sont synthétisés des dérivés glucocorticoïdes ils sont utilisés principalement comme anti-inflammatoires, antiallergiques et immunosuppresseurs. Ils sont utilisés en thérapeutique depuis 1948.(7)

a- Caractéristiques :

  • D’avoir une durée d’action plus longue,
  • De présenter une activité anti-inflammatoire plus importante,
  • D’avoir moins de propriétés minéralocorticoïdes que la molécule mère.

b- Les différentes molécules synthétiques :

De nombreuses spécialités de corticoïdes ont vu le jour depuis le début delà corticothérapie. Voici la liste non exhaustive des glucocorticoïdes de synthèse administrés par voie orale et injectable présents sur le marché (Tableau II) ainsi que leur équivalence d’activité anti-inflammatoire (Tableau III)

Tableau. II : Liste des principales molécules administrées par voie générales (4)

DCI Princeps Dosage du corticoïde Forme galénique
Bétaméthasone DIPROSTENE® 7 mg/ml Suspension injectable
CELESTENE® 2 mg Cp* dispersible sécable
0.05% Solution buvable
4 mg/ml Solution injectable
8 mg/ml Solution injectable
BETNESOL® 0.5 mg Cp effervescent
4 mg/ml Solution injectable
Budésonide ENTOCORT® 3 mg Gélule
RAFTON®
Doxaméthasone DECTANCYL® 0.5 mg Cp
Prednisone CORT ANC YL® 1 mg Cp
5 mg Cp sécable
20 mg Cp sécable
Prednisolone SOLUPRED® 5 mg Cp effervescent
20 mg
5 mg Cp orodispersible
20 mg
1 mg/ml Solution buvable
HYDROCORTANCYL® 2.5% Suspension injectable
Méthylprednisolone MEDROL® 4 mg Cp sécable
16 mg
100 mg Cp
DEPO-MEDROL® 40 mg Suspension injectable
SOLU MEDROL® 2 mg/2 ml Lyophilisât et Solution injectable
40 mg/2 ml
120 mg/2 ml
500 mg Poudre pour solution injectable
1 g
Tnarrcmolone KENACORT RETARD® 40 mg/ml Suspension injectable
80 mg/2 ml
HEXATRIONE® 2 % Suspension injectable
Cortivazol ALT IM® 3.75 mg/1.5 ml Suspension injectable

Tableau III : Équivalence d’activité anti-inflammatoire des principaux corticoïdes (5)

Formes orales équivalentes à 1 comprimé de Prednisone 5 mg
Cortisone 25 mg
Hydro cortisone 20 mg
Prodn iso lone 5 mg

(vanaDle selon 1® s®l utilisé)

Méthylprednisolone 4 mg
T riamcmolone 4 mg
Dexaméthasone 0.75 mg
Bôtaméthasone 0.75 mg
Cortivazol 0.30 mg

c- Mode d’utilisation :

Les corticoïdes de synthèse sont prescrits selon deux modalités.

Comme traitement systémique : La voie orale est la forme la plus utilisée.

Le traitement intraveineux correspond souvent aux urgences. Les corticoïdes sont alors administrés à forte dose sous forme de bolus de 500 à 1000 mg d’équivalent prednisone, trois jours consécutifs et relayés par voie orale cp 20, 5 et 1 mg : prednisone Cortancyl®, à préférer à la prednisolone Solupred®; la posologie est variable selon l’indication, 1 prise /j le matin à 8 heures, pour certaines indications traitement à jour alterné ; la décroissance de la dose est fonction de la maladie traitée, en général 10% tous les 10 à 15 jours

Comme traitements locaux : Il existe de nombreuses voies d’administration, cutanée (dermocorticoïdes), infiltration, inhalation, instillation (gouttes oculaires, nasales, auriculaires), lavements. Les traitements locaux ont pour objectif de réduire les complications systémiques.

d- La durée de traitement :

En fonction de la durée prévisible d’une corticothérapie on défini, les cures courtes et les traitements de longue durée:

Les corticothérapies en cures courtes sont en général bien tolérées et nécessitent moins de précautions. Le traitement est inférieur à 14 jours, en général entre cinq à dix jours.

Les corticothérapies de longue durée sont définies comme durant plus de trois mois, à des posologies supérieures à 7,5 mg/j de prednisone ou équivalent.

e- Contre indications de la corticothérapie générale :

États infectieux, états psychotiques non contrôlés, vaccins vivants, hypersensibilité à l’un des constituants. En pratique aucune contre-indication si indication vitale.

f- Les effets secondaires :

– Les effets métaboliques

Sur les nutriments : Ils possèdent un effet hyperglycémiant par augmentation de la synthèse hépatique et diminution de l’utilisation périphérique du glucose.

Sur le plan des lipides, ils entraînent une modification de la répartition des graisses qui peut se traduire par une bosse au niveau du cou (buffalo neck).

Ils diminuent le taux de protides et peuvent entraîner une hypoprotidémie, l’intérêt d’un régime pauvre en sucres rapides et hyperprotidique

Sur les électrolytes : L’effet minéralocorticoïde se traduit par une rétention d’eau, de sodium et une perte de potassium.

Ceci explique qu’un régime sans sel strict est souvent préconisé ainsi que l’adjonction de potassium lorsque le traitement est prolongé et/ou utilise des fortes doses mais non systématique.

Une hypocalcémie et/ou une hypophosphorémie

Elle peut se traduire par une diminution des réserves par un effet anti-vitamine D. Une baisse du taux de phosphore peut être observée se traduisant par une hypophosphorémie.

– L’ostéoporose : Le diagnostic de l’ostéoporose ainsi que l’évaluation du risque de fractures se mesurent par un examen radiologique dénommé ostéodensitométrie, son résultat se dénomme T score. Cet examen est systématique pour tout traitement par les corticoïdes à une dose supérieur à 7,5 mg par jour d’équivalent prednisone depuis au moins trois mois. Ces mesures se font au niveau du rachis lombaire et du col du fémur. Le T score s’exprime en écart type et correspond à l’écart de valeur de la densité minérale osseuse obtenue entre celle du patient et la valeur de référence de la densité mesurée chez l’adulte jeune, au niveau de la même localisation osseuse. Une ostéodensitométrie normale correspond à un T score supérieur à – 1, un T score entre -2,5 et -1 correspond à une ostéopénie et un T score inférieur à -2,5 désigne une ostéoporose (6).

Prévention de l’ostéoporose : Lors d’un T score normal mais en présence de facteurs de risque (âge>65ans, sexe féminin, immobilisation, alcoolisme, tabagisme, faible IMC) associant ou non une carence en calcium et en vitamine D, malgré les mesures hygiéno-diététiques recommandées, seule la prévention de l’ostéoporose est nécessaire. Il convient de mettre en place une supplémentation médicamenteuse correspondant à 1 gramme de calcium parjour et 400 à 800 Ul de vitamine D chez un adulte.

Le traitement de l’ostéoporose cortisonique se fait selon le profil des patients :

Chez les femmes non ménopausées et chez les hommes, sans antécédent de fracture, sans facteurs de risque et avec un T score normal, le traitement n’est pas nécessaire. Seul des ostéodensitométries de contrôle seront à faire régulièrement. Ayant des antécédents de fractures, et/ou en cas d’un T score inférieur à -1,5 associant ou non des facteurs de risque, un traitement doit être mis en route le plus tôt possible parles biphosphonates en complément de la supplémentation vitamino- calcique. Ce sont des anti-ostéoclastiques qui permettent de réduire la résorption osseuse par les ostéoclastes. Il existe différentes spécialités mais trois ont une AMM pour l’ostéoporose cortisonique :

  • L’étidronate dosé à 400 mg (DIDRONEL®) est remboursé parla sécurité sociale pourtouttype de patient, sans restriction de sexe et d’âge.
  • L’alendronate dosé à 5 mg (FOSAMAX®) n’est pas remboursé.
  • Le risédronate dosé à 5 mg (ACTONEL®) est réservé à la femme ménopausée et il est remboursé.

Chez une femme ménopausée :

Lors d’un T score inférieur à -1,5 et/ou avec antécédent de fracture, la patiente recevra automatiquement un traitement par les biphosphonates

Lors d’un T score supérieur à -1,5 et en absence de fracture, un traitement hormonal substitutif aux œstrogènes est recommandée pour maintenir le capital osseux et des ostéodensitométries sont à effectuer régulièrement.

– Les effets hormonaux

Les autres effets hormonaux sont variables :

  • La prolactine est diminuée ce qui se traduit par une diminution de la lactation
  • L’hormone de croissance est diminuée, ce qui peut ralentir la croissance chez les enfants et les adolescents. Ceci explique que l’évolution de la taille sera suivie précisément, en particulier dans le cadre des traitements de la leucémie.

– Les effets sur l’estomac : Ces médicaments ont tendance à entraîner une hypersécrétion gastrique et une diminution du mucus ce qui augmente le risque d’ulcères digestifs. Antiulcéreux sont alors nécessaires pour contre balancer cet effet mais non systématique.

– Les effets sur le système nerveux central (SNC) : Ils peuvent se traduire par une augmentation de l’appétit (effet orexigène), un effet antipyrétique.

Ils se traduisent aussi par des troubles de l’humeur et comportementaux, avec une certaine euphorie, parfois des insomnies.

Effets occulaires: cataracte, glaucome

– Les effets sur les lignées sanguines : Ce sont des effets importants qui expliquent la place qu’occupent ces médicaments dans les protocoles de traitement des hémopathies.

Les corticoïdes augmentent le taux des éléments figurés, normaux, du sang périphérique. Ceci se traduit par :

  • Une augmentation du taux des globules rouges, des plaquettes et des polynucléaires neutrophiles.
  • Dans une moindre mesure, une élévation du nombre de polynucléaires basophiles et éosinophiles.

Immunosuppression (infections bactériennes, mycobactériennes, virales)

g- En cancérologie :

Comme traitement de fond :

C’est un traitement validé des leucémies, des lymphomes, de la maladie de Hodgkin et du myélome multiple.

Les leucémies sont traitées par corticothérapie, sous forme de prédnisolone ou de dexaméthasone à la dose de 40 mg/m2/J. Ces doses peuvent être augmentées en cas de résistance.

Chez l’enfant, elle permet des rémissions complètes dans 50 à 60 % des leucémies aiguës lymphoblastiques et doit être associée à une chimiothérapie afin d’obtenir des taux de rémission complète de plus de 80 %.

Comme traitement de support :

Ils sont employés de façon beaucoup plus générale dans les traitements palliatifs.

Ils sont prescrits, en urgence, dans le traitement de l’hypercalcémie, de métastases entraînant des compressions, en particulier cérébrales et rachidienne Comme prémédication et/ou adjuvant à la chimiothérapie et la radiothérapie:

Une corticothérapie est associée systématiquement aux Taxanes, d’une part pour prévenir certains effets secondaires, comme les nausées et les vomissements et, d’autre part, pour potentialiser l’effet de la chimiothérapie, elle est également associée à la radiothérapie dans l’irradiation de l’encéphale en totalité pour prévenir le syndrome d’HIC.

IV- Bilan de surveillance :

Clinique : poids, TA, courbe de croissance (enfants ++), respect du régime, troubles psy/du sommeil, signes musculaires, digestifs, examen ophtalmo / an

Biologiques (surveillance mal codifiée) : NFS 1 fois/mois, glycémie, kaliémie 2 fois/mois en début de traitement, autres paramètres selon dose de corticoïdes et pathologie sous-jacente : protidémie, fonction rénale, bilan lipidique Ostéodensitométrie tous les 12 à 24 mois Sport régulier (marche, piscine ++). (8)

Associations médicamenteuse différente selon le corticoïde utilisé surtout médicaments hypokaliemiants, AINS, aspirine (effet synergique)

V- Conclusion :

Les corticoïdes représentent une classe de médicaments incontournables dans le traitement de nombreuses pathologies

Leur prescription demande une surveillance mais surtout des précautions pour un résultat ultime et des effets secondaires moindres.

Bibliographie :

  1. MORAN L., Nobel Laureates : Edward Kendall, Tadeus Reichstein and Philip Hench, [En ligne], 2008 Disponible sur : http://sandwalk.blogspot.fr/2008/06/nobel-laureates-edward- kendall- tadeus.html, [Consulté le 07 novembre 2013]
  2. FARDET L., Qui est concerné ?, [En ligne], 2013 Disponible sur : http://www.cortisone- info.fr/Generalites/Qui-est-concerne, [Consulté le 12 Septembre 2013]
  3. MEDCOM LEARNING SYSTEMS, Clinician : Les glandes surrénales, G. D. Searle & Co Ed, New York, 1971,131 p.
  4. TEKNETZIAN M., Corticoïdes, Le Moniteur des Pharmacies, 2011, Cahier II du N° 2864,

16 p.

  1. BRION N., GUILLEVIN L., LE PARC J-M., La corticothérapie en pratique, Masson Ed, Paris, 1998, 376 p.
  2. HORDE P., Ostéodensitométrie, [En ligne], 2012 Disponible sur: http://sante- medecine.commentcamarche.net/faq/2124-osteodensitometrie, [Consulté le 17 mars 2015]
  3. WECHSLER B., CHOSIDOW O., Corticoïdes et corticothérapie, Libbey Eurtotext Ed, Condé-sur-noireau, 1997, 175 p.
  4. Ann Dermatol Venereol 2007 ; 134 : 942-8. Disponible sur http://www.chu- rouen.fr/crnmba/pdns corticothérapie generale.html (consulté le 10 juin 2018)

Cours du Dr Taleb .S – Faculté de Constantine

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