Diabéte insipide

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(Last Updated On: 15 août 2018)

1/ DÉFINITION :

Le diabète insipide (DI) est une maladie polyuro-polydipsique héréditaire ou acquise en rapport avec un déficit en hormone antidiurétique (ADH) au niveau de son lieu de production (unité hypothalamo- hypophysaire) ou avec une résistance à l’action de l’ADH. Cela entraîne, cliniquement, une élimination d’urines abondantes et diluées, à cette polyurie s’associe une polydipsie compensatrice impérieuse et importante.

II/ ÉTIOPATHOGÉNIE :

Le DI résulte d’une anomalie de la réabsorption de l’eau au niveau du tubule rénal associée à une sécrétion ou une réponse rénale inadéquate de (à) l’ADH ou AVP (Arginine Vasopressine).

A/ Déficit de sécrétion de l’ADH : DI central ou neurogène

1/ Épuisement du stock neuro-hypophysaire d’ADH :

Par absence ou destruction des neurones sécrétoires avec comme résultat une diminution de la synthèse et/ou de la libération de l’ADH en rapport avec une lésion de la neurohypophyse ou de l’éminence médiane hypothalamique. Il faut 80 à 90 % de neurones atteints pour que les signes cliniques apparaissent.

2/ Défaillance de l’osmorégulation :

Les réserves en ADH et la régulation non osmotique sont normales, il s’agit de lésions de l’hypothalamus antérieur près du 3eme ventricule entraînant un dysfonctionnement des osmorécepteurs responsables de la détérioration de la réponse de l’ADH et de la sensation de soif.

B/ Résistance à l’action de l’ADH : DI néphrogénique

Par altération du pouvoir de concentration de l’urine au niveau du tubule rénal.

1/ Lésions acquises du tube collecteur rénal

2/ Mutations génétiques :

Mutation du gène codant pour le récepteur V2 de l’AVP à transmission récessive liée à l’X et mutation du gène codant pour l’aquaporine 2 du chromosome 12 à transmission récessive.

III/ SPECTRE CLINIQUE :

Il est dominé par le syndrome polyuro-polydipsique dont le début est le plus souvent brutal que progressif.

A/ Polyurie :

Elle est primaire, mais il est difficile de prouver, en pratique médicale, qu’elle a précédé la polydipsie. Généralement modérée, entre 4 et 5 litres/24 heures, elle peut atteindre les 15 à 30 litres. Les urines sont pâles, peu colorées, comme de l’eau.

B/ Polydipsie :

Un besoin impérieux de boire beaucoup, provoquant fatigue et angoisse. Il n’y a pas de choix volontaire opéré dans la qualité des boissons ingérées. Elle permet d’éviter la déshydratation et donc l’altération de l’état général.

C/ Symptômes rares et mortels :

Choc hypovolémique par déshydratation sévère + crises hypernatrémiques. Ils surviennent quand la polydipsie n’arrive pas à compenser la polyurie.

IV/ DIAGNOSTIC POSITIF :

A/ Suspicion d’un diabète insipide :

  • Analyse du syndrome PP : quantifier la urines et les boissons, rechercher le caractère primaire de la polyurie, le fait qu’il n’y a pas de préférences pour les boissons, préciser la qualité des urines.
  • Procéder à un interrogatoire minutieux à la recherche de tous les antécédents personnels et familiaux pathologiques
  • Procéder à un examen clinique soigneux et complet pouvant nous orienter vers un cause de ce syndrome PP et donc du diabète insipide.

B/ Prouver la nature hypotonique des urines :

  • Mesurer la densité urinaire grâce à des bandelettes réactives adéquates, une densité < 1005 est très évocatrice.
  • On peut mesurer directement l’osmolarité urinaire, on la trouvera < 200 mOsm/Kg.
  • Mesurer la clairance de l’eau libre qui revient nettement positive, traduisant la défaillance des mécanismes de concentration des urines :

CH20 = V3 (1 -Uosm / Posm)

V3 : volume urinaire en ml/min, Uosm : osmolarité urinaire, Posm : osmolarité plasmatique

C/ Confirmer le DI :

  • Soit indirectement par les explorations dynamiques, plus utilisées en pratique médicale courante, il s’agit de :

– Test de restriction hydrique : Il reste le test le plus utilisé et le mieux standardisé malgré certaines limites dans le diagnostic différentiel entre les causes du DI avec existence de faux positifs et de faux négatifs. D’où l’intérêt de proposer d’autres moyens plus performants. Il se fait en milieu hospitalier en présence du médecin. L’épreuve dure tant que le patient ne présente pas une chute tensionnelle nette, un pouls >160 batt/min et une chute pondérale entre 3 et 5% de son poids, éléments obligeant l’arrêt du test. Elle consiste à une restriction hydrique pendant une durée moyenne de 4 à 8 heures pendant la quelle on surveillera l’état de conscience, les constantes hémodynamiques, le poids et on notera la diurèse toutes les 30 minutes dans des bocaux différents et numérotés, la densité urinaire chaque heure avec la clairance de l’eau libre, l’osmolarité urinaire et sanguine. Quand l’osmolarité urinaire arrive à son maximum (stable à 2 reprises) on injectera par voix sous cutanée de la lysine vasopressine avec mesure du volume urinaire, de la densité urinaire et de l’osmolarité sanguine et urinaire dans l’heure qui suit l’injection.

– Autres tests peu fiables ou non validés : Test non osmotiques comme le test à la nicotine, à l’hypoglycémie, à l’hypotension et aux vomissements.

– Test thérapeutique à l’AVP

  • Dosage de l’hormone antidiurétique plasmatique : examen de plus en plus sensible, à pratiquer lors d’un test de restriction hydrique ou lors d’une perfusion d’une solution salée. Il reste d’interprétation délicate
  • Dosage de la copeptine plasmatique (C-terminal proAVP) : c’est une nouvelle approche de diagnostic du DI en réponse à une stimulation osmotique, très prometteuse avec une spécificité et une sensibilité supérieures.

D/ Résultats du test de restriction hydrique :

  • Sujet normal :

– la diurèse se réduit rapidement
– la clairance de l’eau libre se négative rapidement
– la densité urinaire >1010
– la variation de l’osmolarité urinaire après LYP est < 5%

  • Diabète insipide total :

– polyurie inchangée
– clairance de l’eau libre reste franchement positive
– densité urinaire reste basse (< 1002)
– osmolarité urinaire reste plus basse (< 300 mosm/kg H20) par rapport à osmolarité plasmatique et augmente de façon significative après injection de la LVP (> 50%)

  • Diabète insipide partiel :

– diurèse diminue plus ou moins nettement
– clairance de l’eau libre diminue mais reste positive
– densité augmente progressivement mais reste <1010
– osmolarité urinaire ne devient > osmolarité plasmatique qu’à la fin de l’épreuve et augmente modérément après injection de la LVP (10-50%).

  • DI néphrogénique :

– polyurie inchangée
– clairance de l’eau libre reste franchement positive
– densité urinaire reste basse (<1002)
– osmolarité urinaire reste plus basse (< 300 mosm/kg H20) par rapport à osmolarité plasmatique et n’augmente pas après injection de la LVP (< 50%)

  • Polydipsie primaire :

– diurèse diminue plus ou moins nettement
– clairance de l’eau libre diminue ou se négative
– densité augmente progressivement mais reste <1010
– osmolarité urinaire ne devient > osmolarité plasmatique qu’à la fin de l’épreuve (300-800 mosm/kg H20 et parfois > 800 mos) et augmente modérément après injection de la LVP (10- 50%).

V/ ENQUÊTE ÉTIOLOGIQUE :

Elle est basée sur les données anamnestiques, l’examen clinique et les données para cliniques représentées essentiellement par les dosages hormonaux, le test de restriction hydrique et l’IRM. L’IRM précisera, entre autre, la présence ou l’absence de l’hypersignal (normal) de la posthypophyse.

A/ Diabète insipide central : DI pitresso-sensible

1/ DI central acquis :

  • Chirurgie de la région hypothalamo-hypophysaire
  • Traumatisme crânien
  • Lésions neuro-hypothalamiques

– Infections : méningite surtout bactérienne (tuberculose+++), méningo-encéphalite
– Tumeurs primitives : craniopharyngiome+++, tumeurs du 3eme ventricule
– Tumeurs secondaires : métastase d’un cancer (sein, poumon, hémopathie)
– Maladies infiltratives : sarcoïdose, maladie de Hand- Schuller- Christian.
– Maladies inflammatoires auto-immunes : neurohypophysite lymphocytaire
– Autres : médicaments, hydrocéphalie, maladies dégénératives

2/ DI central congénital : Malformations congénitales

  • Syndrome de wolfram associant diabète insipide + diabète sucré + atrophie optique et autres anomalies
  • Syndrome de bardet Biedl associant hypogonadisme + retard mental + obésité + rétinite pigmentaire + polydactylie
  • Mutation du gène de la neurophysine à transmission autosomique dominante
  • Mutation liées à PX

3/ DI idiopathique :

B/ Diabète insipide néphrogénique : DI pitresso-résistant

1/ DI néphrogénique primitif (congénital) :

Tubulopathie héréditaire responsable d’une résistance rénale à l’action de l’ADH.

– Mutation du gène du récepteur de PAVP2 à transmission récessive liée à l’X
– Mutation du gène de l’Aquaporine 2 à transmission autosomique récessive

2/ DI néphrogénique secondaire (acquis) :

– Affections rénales : pyélonéphrite chronique, néphrite interstitielle chronique, polykystose rénale, uropathies malformatives, amylose, sarcoidose, myélome multiple, drépanocytose…etc
– Hypokaliémie
– Hypercorticisme
– Hyperthyroïdie
– Médicaments : lithium, tétracycline, amphotéricine B, barbituriques, cisplatine…etc.

VI/ DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DE LA POLYURIE :

A/ polyurie hypertonique :

Diabète sucré Hypercalciurie Hypercatabolisme protéique

B/ polyurie hypotonique :

  • Polydipsie primaire : Il s’agit d’une consommation excessive de liquides qui dure dans le temps, entraînant un excès corporel en liquide, diminution de l’osmolarité plasmatique et diminution de la sécrétion de l’ADH.

– Polydipsie psychogène ou Potomanie : on trouve une personnalité névrotique, une notion de traumatisme psychoaffectif. Le syndrome PP s’installe progressivement, variable d’un jour à l’autre avec choix de boissons, la polydipsie précède la polyurie ne réveillant pas le patient la nuit. Au test de restriction hydrique, la diurèse diminue avec augmentation de la densité urinaire, la clairance de l’eau libre diminue et peut se négativer, l’osmolarité urinaire est > celle plasmatique en fin de l’épreuve sans modification après injection de la LVP. Cependant une potomanie qui dure dans le temps peut prendre un aspect d’un diabète insipide vrai.
– Polydipsie dipsogénique ou Dipsomanie : les patients ont un trouble du mécanisme de la soif ou une sensibilité exagérée à la soif. Il peut s’agir d’impulsions à boire des liquides souvent alcoolisés, reflet d’une profonde perturbation de la personnalité.
– Polydipsie iatrogène : prise de médicaments responsables de sécheresse de la bouche, augmentation des apports en eau sous conseil médicale pour certaines pathologies.

  • DI gestationnel par augmentation du métabolisme de l’AVP, il disparait spontanément après 2 à 3 semaines du post-partum.

VII/ PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE :

A/ Traitement de la cause :

généralement décevant surtout concernant la pathologie tumorale.

B/ Traitement substitutif, souvent à vie :

  • Traitement du diabète insipide central total :

– Lysine 8 vasopressine (Diapid) à raison de 3 à 6 pulvérisation/j, n’est plus commercialisé,
– DDAVP (1 Deamino 8 D-Vasopressine) ou Minirin c’est le traitement de choix. Il se présente sous forme de solution endonasale (Instillation de 0,1 mg/ml), en spray (Pulvérisation en 10 pg/dose) ou alors sous forme de comprimé dosé à 0,1 et 0,2 mg,. Les doses usuelles varient entre 0,2 et 1,2 mg/j ou 10 à 20 pg/j.

  • Traitement du diabète insipide partiel : le traitement de choix est le Minirin, mais on peut prescrire d’autres médicaments comme le Tégrétol à la dose de 200 à 600 mg/j.
  • Traitement du diabète néphrogénique : Il s’agit essentiellement d’une substitution en eau le moins minéralisé possible (eau de robinet de préférence) + régime pauvre en sodium et limité en « osmoles »

On tente de réduire le syndrome PP en prescrivant du Hydrochlorothiazide, de l’indométhacine ou du Minirin à fortes dose.

Cours du Dr K. Boudaoud – Faculté de Constantine

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