Introduction :
- Modification de la teinte cutanée normale, ne s’effaçant pas sous action mécanique, due, le plus souvent, à un trouble de la mélanogénèse (surcharge en mélanine ou disparition)
- Couleur normale de la peau :
➢ Dépend du phototype du sujet et de l’exposition solaire, ainsi, on parle de :
▪ Couleur constitutive : qui est le reflet de la pigmentation mélanique génétiquement déterminée
▪ Couleur inductive : par le bronzage après exposition solaire
➢ Chez un même sujet, la pigmentation cutanée varie selon les régions anatomiques : les zones habituellement exposées au soleil ainsi que les plis et les organes génitaux externes sont naturellement plus pigmentés
➢ La couleur de la peau résulte principalement de la présence d’un pigment appelé « mélanine » dont le rôle essentiel est de protéger les couches basales de l’épiderme contre les ultraviolets
Rappel :
- Macules dyschromiques :
➢ Macules pigmentées : elles sont dues à une accumulation de pigment dans l’épiderme ou
dans le derme
▪ Mélanine : pigment naturel de l’épiderme
✓ Localisées : chloasma (masque de grossesse), taches café-au-lait
✓ Généralisées : mélanodermie de la maladie d’Addison
▪ Pigment non-mélanique : le plus souvent métallique (tatouage, fer dans l’hémochromatose)
➢ Macules achromiques : elles sont dues à une diminution (macule hypochromique) ou à une absence (macule achromique) de mélanocytes de l’épiderme et/ou de sécrétion de mélanine par ceux-ci. Elles se présentent sous forme de taches claire (exemple : vitiligo et pityriasis versicolor achromique
- Analyse sémiologique d’un trouble pigmentaire : elle comprend des éléments d’interrogatoire qui doivent être systématique recherchés, car ils ne sont pas toujours mentionnés spontanément par le patient. Il essayer de préciser : le caractère acquis ou congénital, la date d’apparition, le rôle éventuel de la lumière solaire, les traitements entrepris et leurs résultats, l’existence d’une phase inflammatoire précédant le trouble pigmentaire, les différents topiques utilisés avant l’apparition de la dermatose, les traitements systémiques du patient
- Examen clinique :
➢ La couleur d’une hyperchromie (brun, noir, gris bleuté…) est un élément sémiologique important :
▪ Une couleur brune à brune-noire correspond, le plus souvent, à une surcharge en mélanine (hypermélanose) située dans l’épiderme
▪ Une couleur grise ou grise bleutée traduit, le plus souvent, une hypermélanose dermique ou une surcharge de pigments exogènes, normalement non-présents dans la peau
➢ Devant une hypochromie, il faut préciser si elle est totale ou partielle et l’existence d’une autre lésion élémentaire (érythème, papule…)
Hyperpigmentations :
- Éphélides (taches de rousseur) : hyperpigmentations maculeuses, localisées, de petite taille (quelques millimètres), de teinte brun clair, fréquentes chez les sujets roux aux yeux bleus, apparaissant généralement dans l’enfance, se localisent sur le visage et les parties découvertes, permanentes mais leur nombre augmente avec l’âge et leur coloration s’accentue après exposition solaire, les sujets porteurs d’éphélides profuses présentent en général une photosensibilité marquée
➢ Les éphélides correspondent à une hypermélaninose (augmentation de la synthèse de mélanine)
- Lentigines : macules hyperpigmentées de petite taille (1-3 mm), qui se distingues des éphélides par leur teinte plus foncée (brune ou noire) et par leur absence de modification après exposition solaire, généralement régionales, elles peuvent se répartir sur toute la surface du tégument et/ou sur les muqueuses, peuvent apparaître dans l’enfance ou plus tardivement au cours de la vie, s’intègrent parfois dans des syndromes complexes à expression multiviscérale
➢ Les lentigines correspondent à une hypermélanocytose (augmentation du nombre de mélanocytes)
- Taches café-au-lait : macules brun clair, de couleur homogène, arrondies ou ovalaires, à contours réguliers ou déchiquetés, dont la taille peut varier de quelques centimètres à plusieurs dizaines de centimètres, peu nombreuses, se localisent volontiers sur le thorax, les lombes et parfois les membres, leur topographie peut être unilatérale
- Taches mongoliques : macules gris bleuté, dont la taille varie de quelques millimètres à plusieurs dizaines de centimètres, fréquentes chez les asiatiques et les noirs, présentes à la naissance, elles disparaissent cliniquement au cours de l’enfance, topographie : lombes et fesses
- Mélasma (chloasma) : hyperpigmentation siégeant sur la partie supérieure du visage, respectant la bordure du cuir chevelu, généralement bilatérale, non-symétrique, de couleur inhomogène (variant du jaune ocre au noir), s’accentuant en été, deux facteurs étiologiques : stimulation hormonale (grossesse, œstrogènes, progestatifs), stimulation par les ultraviolets. Au cours de la grossesse, l’hyperpigmentation apparaît également sur l’aréole des seins, la ligne blanche abdominale, les cicatrices et les muqueuses génitales
- Hyperpigmentation post-inflammatoire : taches résiduelles hyperpigmentées qui persistent après la guérison de dermatoses variées, dans ce cas, le trouble pigmentaire n’est pas la conséquence d’une atteinte primitive du système mélanocytaire
- Pigment d’origine exogène : les dyschromies d’origine exogène résultent de : la pénétration transcutanée accidentelle ou volontaire (tatouage, injection sous-cutanée ou intramusculaire) de substances non-résorbables, l’absorption ou l’intoxication par voie systémique de certains métaux ou médicaments
➢ Argyrie : l’argent absorbé per os ou injecté de façon prolongée peut provoquer une hyperpigmentation diffuse du tégument, de teinte gris ardoisée à reflets métalliques, de topographie diffuse mais surtout zones découvertes : muqueuses buccales, rhinopharyngées, oculaires ou les ongles peuvent être touchés. L’argyrie a, le plus souvent, une origine professionnelle (bijoutiers, photographies, fabricants de nitrate d’argent), son origine thérapeutique est devenue rare
- Hypermélanoses métaboliques :
➢ Hémochromatose : hyperpigmentation cutanée diffuse, de teinte brun ardoisée avec un reflet métallique grisâtre, parfois intense, presque noire, elle confère à la peau un aspect sale mal lavé, prédomine aux régions découvertes et aux plis, la mélanodermie cutanée survient également au cours des hémochromatoses secondaires par apport excessif de fer (transfusion…)
➢ Maladie de Wilson : hyperpigmentation des membres inférieurs
➢ Mélanodermie urémique de l’insuffisance rénale : hyperpigmentation diffuse, grisâtre, terne, plus marquée sur les régions découvertes et respectant les muqueuses
- Hypermélanoses endocriniennes :
➢ Maladie d’Addison : mélanodermie diffuse plus marquée sur les parties découvertes et/ou naturellement pigmentées, sur les zones soumises à des frottements répétés, à des traumatismes, muqueuse buccale (taches ardoisées), l’atteinte des muqueuses génitales et conjonctivales est fréquente
➢ Tumeurs viscérales avec sécrétion ectopique d’ACTH ou de MSH
➢ Autres endocrinopathies : syndrome de Cushing, acromégalie, phéochromocytome
Hypopigmentations :
- Une leucodermie est un éclaircissement localisé ou diffus de la peau, d’autant plus facile à voir que la peau est plus pigmentée, elle peut être la conséquence d’un manque de pigment mélanique qui vient résulter de :
➢ Diminution en nombre des mélanocytes ou leur disparition complète
➢ Défaut de synthèse ou de transfert de la mélanine
➢ Vasoconstriction localisée
➢ Dépôt de substance blanche
- Albinismes oculo-cutanés : désigne spécifiquement des maladies génétiques associant une hypomélanose diffuse et des manifestations oculaires caractéristiques, ils sont dus à un défaut de synthèse de mélanine par les mélanocytes de la peau, des phanères et de l’œil. Le diagnostic est clinique
➢ Dans les formes sévères : le diagnostic est évident : les cheveux et les poils sont blanc neige, les yeux bleus, la peau blanc rosée, absence de bronzage, la peau est très sensible aux ultraviolets avec un risque majeur de cancers cutanés, absence de lésions cutanées pigmentées
➢ Dans les formes moins sévères : les cheveux sont blond paille ou brun clair, les yeux bleus à brun clair, la peau est capable de bronzer modérément, il peut y avoir des éphélides, des lentigines et des nævus faiblement pigmentés. Diagnostic ècomparaison avec les parents et la fratrie +++
- Vitiligo : macules blanches, disséminées, dont la confluence peut entrainer, à l’extrême, une dépigmentation généralisée, familial dans plus d’un tiers des cas, les gènes de susceptibilité au vitiligo sont inconnus, fréquence mondiale d’environ 1%, les deux sexes sont également atteints, peut apparaître à tout âge, mais se déclare le plus souvent chez l’adulte jeune au cours des deuxième et troisième décennies de la vie, rôle des traumatismes psychoaffectifs ou physiques +++
➢ Clinique :
▪ Lésion élémentaire : macule achromique, de couleur uniforme, blanc laiteux, dépourvue de mélanine (examen en lumière de Wood), de forme et de taille variables, bords toujours convexes, surface normale, limitée par des contours souvent irréguliers mais bien distincts, parfois soulignés par un liseré hyperpigmenté, pas de signes fonctionnels ou de signes inflammatoires mais photosensibilité +++, les cheveux, les poils, les cils et les sourcils peuvent être dépigmentés. La dépigmentation des poils dans les lésions de vitiligo est d’ailleurs un élément prédictif de mauvaise réponse thérapeutique
▪ Topographie : début souvent unilatéral puis bilatéral, souvent symétrique, certaines parties du corps sont plus fréquemment atteintes : régions normalement les plus pigmentées (creux axillaires, organes génitaux externes), régions découvertes, exposées à la lumière, régions péri-orificielles, zones de protubérance osseuse (genoux, crêtes tibiales, régions malléolaires, épines iliaques, régions sacrées), régions exposées à des microtraumatismes répétés (brides de sous-vêtements, ceinture) èphénomène de Koebner
▪ Extension des lésions : il existe des vitiligos généralisés (dans les cas extrêmes, peuvent envahir la totalité du tégument : vitiligo universalis), des vitiligos localisés, parfois de topographie segmentaire, unilatérale
➢ Association : avec plusieurs maladies, surtout des affections auto-immunes (thyroïdite, anémie de Biermer…)
➢ Évolution : capricieuse et imprévisible, la repigmentation se fait souvent à partir des follicules pileux donnant un aspect moucheté
➢ Diagnostic : exclusivement clinique, l’examen en lumière de Wood est très utile pour détecter des lésions hypomélanotiques chez des sujets à peau claire, la biopsie pour examen anatomopathologique n’est pratiquée qu’à visée de recherche, elle montre une absence de mélanocytes dans la peau lésionnelle
- Hypomélanoses d’origine infectieuse : le pityriasis versicolor représente l’essentiel des achromes d’origine fongique
- Hypomélanoses post-inflammatoire : dépigmentation secondaire associées au lupus érythémateux, au psoriasis, à l’eczéma, aux eczématides (cette liste n’est pas limitative), le diagnostic est toujours facile car les lésions typiques de l’affection causale sont constamment retrouvées soit par l’interrogatoire soit par l’examen clinique
- Leucodermies par agents physiques et/ou chimiques : le tableau anatomoclinique est proche du vitiligo, les mélanocytes sont vulnérables à la plupart des agressions physiques (rayon X, UV, brûlures, froid) et diverses agressions mécaniques
Traitement :
- Hypermélanoses :
➢ Éviction : la suppression de l’agent pathogène est la première mesure thérapeutique à prendre : suppression des expositions solaires prolongées ou utilisation de crèmes écrans pour les UV
➢ Agents dépigmentants : divers produits ont été proposés en thérapeutique afin de décolorer la peau hyperpigmentée, il s’agit d’agents oxydants (peroxydes…) ou réducteurs
➢ Lasers : ils ont été proposés pour le traitement des lésions pigmentaires et des tatouages
- Hypomélanoses : lorsqu’un facteur étiologique peut être mis en évidence, la suppression de l’agent pathogène est la première mesure à prendre : éviction d’un agent chimique dépigmentant, traitement d’un agent fongique…
➢ Dermocorticoïdes : peuvent être recommandés pour le traitement des vitiligos très localisés, toutefois, une surveillance très stricte doit être exercée
➢ Immunosuppresseurs locaux (en France, le Tacrolimus en pommade, à 0.03% et 0.1%) : sont utilisés pour le traitement du vitiligo souvent en association avec la photothérapie
➢ Cryothérapie : ménagée ou la dermabrasion superficielle, peut induire la repigmentation des hypochromies lenticulaires de l’hypomélanose en gouttes idiopathique
➢ Traitement chirurgical : plusieurs essais de ces méthodes de traitement des hypomélanoses mélanocytopéniques, notamment du vitiligo, ont été tentés : greffe de mélanocytes autologues en peau dépigmentée
➢ Antioxydants : dans le contexte de l’hypothèse qui considère que le vitiligo résulte d’un déficit des systèmes de neutralisation des radicaux libres dans la peau
➢ Photo-chimiothérapie orale : associant les psoralènes et les UVA, reste actuellement le seul traitement qui permet d’espérer obtenir, rarement, une repigmentation de la peau lésionnelle du vitiligo
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