Principales infections cutanées à germes pyogènes

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(Last Updated On: 10 mars 2020)

Introduction :

  • Manifestations cutanées en relation avec la présence de germes pyogènes dans l’organisme
  • La peau normale est colonisée par une flore bactérienne (un million/cm2)

Flore résidente (permanente) : comporte :

  • Cocci Gram (+) : Staphylococcus epidermis, captis, hominis
  • Bacilles Gram (+) : corynébactéries
  • Bactéries Gram (-) : cocci (Neisseria) et bacilles (Acinetobacter, Proteus…)

Flore transitoire (contaminante) : qui résulte d’une contamination externe ou d’un portage muqueux. Les infections les plus fréquentes sont à germes pyogènes, Staphylocoque doré et Streptocoque (Aureus et Pyogènes)

  • Il existe plusieurs niveaux de défense de la peau contre les bactéries pathogènes :

Protection mécanique : grâce à la continuité des cornéocytes

Protection  chimique :  liée  au  pH  cutané  (voisin  de  5.5),  au  sébum  (qui  recouvre  les cornéocytes renforçant la barrière kératinocytaire)

Protection biologique : par la présence constante d’une flore bactérienne protectrice

Activité immunitaire : très développée (cellules de Langerhans épidermiques)

  • L’altération d’un ou plusieurs de ces mécanismes de défense est responsable de la survenue des infections cutanées suivantes

Impétigo

Introduction :

  • L’impétigo est une infection cutanée bactérienne superficielle (épidermite), non-folliculaire, auto-inoculable et non-immunisante
  • Favorisé par la promiscuité, la mauvaise hygiène et l’effraction cutanée

Épidémiologie :

  • Âge : surtout l’enfant (5-6 ans), parfois nouveau-né et nourrisson, sex-ratio = 1

Adulte : sous forme d’une impétiginisation (sur une dermatose préexistante)

  • Contagiosité : très contagieuse, petites épidémies familiales ou de collectivités
  • Germes : Staphylocoque doré pathogène (70%), Streptocoque β-hémolytique (25%), Streptocoque α-hémolytique (10%)

Clinique :

Type de description : impétigo vésiculo-bulleux de l’enfant

  • Lésion élémentaire :

Vésiculo-bulle  superficielle :  de  quelques  millimètres  à  3  cm,  sous-cornée,  à  contenu rapidement trouble (pustule), flasque et fragile, évoluant rapidement vers la formation de :

Érosion : érythémateuse, suintante, superficielle, recouverte de :

Croûtes : jaunâtres, mélicériques (couleur du miel), à extension centrifuge ± aréole inflammatoire périphérique

➢ Il coexiste des lésions d’âges différents (vésiculo-bulle, érosion, croûtes)

  • Groupement : soit isolées, soit groupées en plaques crouteuses par extension périphérique avec tendance à la guérison centrale, aspect circiné
  • Topographie : souvent péri-orificielle au départ, puis diffusion au visage (+++) puis au reste du corps par portage manuel
  • Signe fonctionnel : prurit modéré
  • Signes associés : adénopathies régionales fréquentes, signes généraux absents (pas de fièvre)

Formes cliniques :

  • Impétigo géant phlycténulaire (impétigo bulleux) : forme caractéristique du nouveau-né et du nourrisson, sous forme de petites épidémies sporadiques (crèches, maternités), par portage manuel du personnel soignant (staphylococcique +++)

Clinique : bulles de grande taille (1-2 cm) avec un érythème périphérique

  • Impétigo ecthyma : impétigo creusant, touchant l’épiderme et le derme (ulcéreux)

Facteurs favorisants : stase veineuse, mauvaise hygiène, diabète, alcool, HIV

Germe : Staphylocoque +++, Streptocoque β-hémolytique du groupe A, mixte

Clinique : ulcération nécrotique recouverte de croûtes noires

Siège : membres inférieurs

  • Impétiginisation (impétigo de l’adulte) : infection secondaire à une dermatose préexistante par le Staphylocoque ou le Streptocoque, la dermatose devient suintante et purulente. Toujours éliminer une dermatose prurigineuse (gale, eczéma de contact)

Diagnostic positif :

  • Interrogatoire : âge, épidémie, dermatose préexistante
  • Clinique : aspect polymorphe, siège (péri-orificiel)
  • Bactériologie : rarement demandée, inutile en pratique
  • Histologie : rarement demandée

Évolution / Complications :

  • Sous traitement : les lésions régressent en quelques jours, sans laisser de cicatrice (sauf dans l’ecthyma)
  • Sans traitement :

Complications septiques :

  • Locales : abcès, pyodermite, lymphangite, plus rarement ostéomyélite
  • Générales : bactériémies, septicémies, pneumonies

Immunologiques :  la  glomérulonéphrite  aigüe  due  au  Streptocoque  du  groupe  A  (on recherchera systématiquement une protéinurie, 3 semaines après)

Toxiniques :

  • Épidermolyse Staphylococcique aigüe : syndrome SSSS (Staphylococcal Scalded Skin Syndrome)
  • Scarlatine  Staphylococcique :  érythème  diffus,  prédominant  dans  les  plis  et ne s’accompagnant pas de bulles, évoluant vers la desquamation en 10-20 jours

Récidives : faire un prélèvement des gîtes à Staphylocoque (fosses nasales +++) chez le malade et la famille car il existe un portage chronique chez un sujet sain

Traitement :

  • Mesures générales : éviction scolaire de quelques jours, examiner l’entourage notamment en collectivité, traitement éventuel des gîtes à Staphylocoque si récidives, mesures d’hygiène (port de sous-vêtements   propres,   ongles   coupés   courts),   traitement   étiologique   d’une   dermatose prurigineuse sous-jacente
  • Traitement local : il est systématique et souvent suffisant dans les formes peu étendues

Lavage : biquotidien, à l’eau et au savon

Antiseptiques (Chlorhexidine,   povidone   iodée,   permanganate   de   potassium)   et/ou antibiotiques topiques (acide fusidique, Mupirocine) : en application bi- ou tri-quotidiennes

Durée : 8 à 10 jours

  • Traitement général :

Indications : lésions étendues, extensives, signes généraux majeurs

➢ Choisir un antibiotique à large spectre d’action (agir sur le Staphylocoque et le Streptocoque) : Pénicilline M (Oxacilline, Cloxacilline : 30-50 mg/kg/j), Amoxicilline + acide clavulanique ou Céphalosporine de 1ère  génération, Synergistine (Pristinamycine : 30-50 mg/kg/j) ou acide fusidique (1-1.5 g/j chez l’adulte, 30-50 mg/kg/j chez l’enfant)

Durée : 10 jours

Infections folliculaires :

Infections du follicule pilo-sébacé, le plus souvent dues au Staphylocoque doré

  • Folliculites :

Folliculites superficielles :

  • Clinique : papulo-pustules centrées par un poil et à base souple
  • Siège : visage (barbe, front), tronc (dos, face antérieure du tronc), région fessière et jambes
  • Évolution : aigüe, par poussées
  • Traitement : essentiellement local, 2x/j pendant 8-10 jours, antiseptiques locaux (Hexamidine ou dérivés iodés), règles d’hygiène générale

Folliculites profondes :

  • Clinique : nodule rouge, ferme, douloureux, surmonté d’une pustule et centré par un poil
  • Évolution : subaigüe, sans évacuation de pus
  • Traitement : pendant 8-10 jours, traitement local (à raison de 2x/j, antiseptiques et antibiotique topique), parfois traitement général anti-Staphylocoque (Oxacilline)
  • Furoncles : folliculite profonde, nécrosante (nécrose de tout l’appareil pilo-sébacé)

Clinique :

  • Furoncle  isolé :  débute  avec  une  folliculite  profonde  puis  apparaît  une  zone nécrotique, jaunâtre appelée le « bourbillon » qui va s’éliminer en laissant une zone ulcérée, cratériforme, guérison avec cicatrice définitive
  • Anthrax :  c’est  un  agglomérat  de  furoncles,  réalisant  un  placard  inflammatoire hyperalgique, parsemé de pustules

Signes généraux : fièvre et adénopathies régionales

  • Staphylococcie maligne de la face : rare, elle vient compliquer la manipulation d’un furoncle médio-facial

Clinique : dermo-hypodermite profonde du visage + signes généraux marqués

Évolution : vers une thrombophlébite du sinus caverneux gravissime

  • Furoncle  récidivant  (furonculose) :  évolue  par  poussées  espacées  de  quelques semaines à mois, observée chez l’adulte jeune de sexe masculin le plus souvent

Facteurs favorisants : diabète, séborrhée, hypersudation, défaut d’hygiène, obésité, déficit immunitaire

✓ La notion de portage sain du Staphylocoque est essentielle (chez le malade ou l’entourage), dont 60% des cas sont des porteurs intermittents

Gîtes du Staphylocoque : fosses nasales (50%), milieu intestinal (20%, surtout les nourrissons), périnée et plis (25% : ombilic, aisselles, rétro-auriculaire, conduit auditif externe)

Traitement :

  • Furoncle ou anthrax isolé :

Antibiothérapie générale anti-Staphylocoque : indiquée si furoncle isolé mais volumineux, furoncle médio-facial, anthrax, furonculose, existence des signes généraux, terrain (diabétique, immunodépression). Les molécules sont alors la Pénicilline M, les synergistines, l’acide fusidique, pendant 10 jours

Traitement local : antiseptique + antibiotiques locaux, 2x/j pendant 10 jours (peut suffire)

Mesures d’hygiène locale et générale : lavage soigneux des mains avant et après les soins, mise en place d’une protection par un pansement

  • Furonculose :  les  recommandations  sont :  port  de  vêtements  amples,  hygiène rigoureuse (douche quotidienne avec la Chlorhexidine), lavage à 90°C du linge

Prélèvement : au niveau des sites à Staphylocoque (patient et entourage familial) puis traitement si positif, acide fusidique ou Mupirocine, 2x/j, 10 jours/mois, pendant 6-12 mois

Antibiothérapie : par voie générale + traitement local

Arrêt de travail : en cas de profession comportant un risque de contamination alimentaire

Érysipèle :

finition :

  • C’est une dermo-hypodermite, bactérienne, aigüe, non-nécrosante, liée le plus souvent (85%) à un Streptocoque β-hémolytique du groupe A
  • Des germes différents sont parfois associés

Épidémiologie :

  • Affection fréquente, sex-ratio = 1
  • Âge : adulte (55-65 ans), parfois adulte jeune, rarement l’enfant
  • Topographie : membres inférieurs (80%), face
  • Facteurs favorisants :

Porte d’entrée locorégionale : plaie chronique (ulcère de jambe, plaie opératoire), fissuration inter-orteil (mécanique ou mycosique), simple traumatisme des extrémités des membres inférieurs

Insuffisance veineuse ou lymphatique des membres inférieurs

Facteurs généraux : diabète, immunodépression, âge avancé

Diagnostic :

  • Diagnostic positif : clinique (+++), le germe est rarement mis en évidence (porte d’entrée ou hémocultures)

Aspects cliniques : forme habituelle de l’adulte : grosse jambe rouge aigüe fébrile unilatérale

  • Début : est brutal, fièvre élevée (39-40°C) voire des frissons, puis :

Signes  cutanés :  placard  cutané  inflammatoire  érythémato-œdémateux, rouge  vif,  chaud  et  douloureux  à  la  palpation,  bien  limité,  s’étendant progressivement,  un  bourrelet  périphérique  est  rare  sur  la  jambe  mais fréquent  au  visage,  des  décollements  bulleux  superficiels  (conséquence mécanique de l’œdème dermique) ou des lésions purpuriques

  • Signes associés : adénopathie inguinale inflammatoire ± signes digestifs (diarrhée), il existe fréquemment une porte d’entrée locorégionale

Examens  complémentaires :  souvent  hyperleucocytose  avec  polynucléose  neutrophile, syndrome   inflammatoire   biologique   (CRP   précocement   élevée,   VS),   sérologie   des Streptocoques (ASLO, ASD, ASK) non-spécifique, élévation franche des taux 2-3 semaines d’intervalle (diagnostic rétrospectif). Dans la forme typique, aucun examen bactériologique n’est nécessaire

Formes cliniques :

  • Symptomatiques : formes bulleuses, purpuriques, pustuleuses et abcédées
  • Topographiques :

Visage (5-10%  des  cas) :  souvent unilatéral  et  très œdémateux, avec un bourrelet périphérique marqué. Plus rarement : membre supérieur, abdomen, thorax…

  • Évolutives (formes subaiguës) : la fièvre et l’hyperleucocytose sont modérées, voire absentes, le diagnostic repose entièrement sur la clinique et la régression sous antibiotiques
  • Diagnostic différentiel :

Au visage : eczéma aigu, staphylococcie maligne de la face, zona ophtalmique

Au membre : phlébite (parfois associée), poussée inflammatoire de lipodermatosclérose d’origine veineuse, syndrome œdémateux aigu des membres inférieurs, envenimations

Fasciite   nécrosante :   l’importance   des   signes   toxiques   généraux,   l’absence d’amélioration sous antibiothérapie, l’extension locale des signes de nécrose, une crépitation èimposent une exploration chirurgicale qui assure le diagnostic

Traitement :

  • Hospitalisation : si  doute  diagnostique,  signes  généraux  marqués,  complications,  comorbidité significative, contexte social défavorable, absence d’amélioration à 72h
  • Moyens :

Antibiothérapie : systémique, antistreptococcique

β-lactamines (+++) :

Pénicilline  G :  injectable,  traitement  de  référence,  10-20  MUI/j  en  4-6 perfusions

Pénicilline V : orale, 4-6 MUI/j en 3 prises quotidiennes

Pénicilline A : orale, Amoxicilline  (3-4.5  g/j en  3 prises quotidiennes) en première intention en cas de traitement à domicile ou de relais de la Pénicilline G après obtention de l’apyrexie

  • Synergistines : Pristinamycine : 2-3 g/j en 3 prises quotidiennes
  • Clindamycine : 600-1200 mg/j en 3-4 prises (effets indésirables digestifs)
  • Glycopeptides, Augmentin® ou Céphalosporines

Traitement adjuvant : repos strict au lit (nécessaire jusqu’à la régression de l’inflammation), traitement anticoagulant préventif (si érysipèle + insuffisance veineuse du membre inférieur), les AINS et les corticoïdes sont formellement déconseillés (risque évolutif vers la fasciite nécrosante), traitement antalgique (en cas de douleur) et traitement adapté de la porte d’entrée, contention élastique (si œdème)

  • Indications :

Si  hospitalisation :  Pénicilline  G  en  IV (au  moins jusqu’à  l’apyrexie)  puis  relais  per  os (Pénicilline V, Amoxicilline). Durée totale : 10-20 jours

Si à domicile : Amoxicilline per os pendant 15 jours environ

  • Pristinamycine (ou Clindamycine) en d’allergie aux β-lactamines ou en 2e intention,

notamment si une étiologie staphylococcique est suspectée

  • Prévention des récidives : traitement d’une porte d’entrée persistante et d’une insuffisance veino-lymphatique, hygiène cutanée soigneuse

➢ En cas de récidives multiples : discuter une pénicillinothérapie au long cours (Extencilline® : 2.4 MUI en IM toutes les 2-3 semaines)

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