Introduction :
- Manifestations cutanées en relation avec la présence de germes pyogènes dans l’organisme
- La peau normale est colonisée par une flore bactérienne (un million/cm2)
➢ Flore résidente (permanente) : comporte :
- Cocci Gram (+) : Staphylococcus epidermis, captis, hominis
- Bacilles Gram (+) : corynébactéries
- Bactéries Gram (-) : cocci (Neisseria) et bacilles (Acinetobacter, Proteus…)
➢ Flore transitoire (contaminante) : qui résulte d’une contamination externe ou d’un portage muqueux. Les infections les plus fréquentes sont à germes pyogènes, Staphylocoque doré et Streptocoque (Aureus et Pyogènes)
- Il existe plusieurs niveaux de défense de la peau contre les bactéries pathogènes :
➢ Protection mécanique : grâce à la continuité des cornéocytes
➢ Protection chimique : liée au pH cutané (voisin de 5.5), au sébum (qui recouvre les cornéocytes renforçant la barrière kératinocytaire)
➢ Protection biologique : par la présence constante d’une flore bactérienne protectrice
➢ Activité immunitaire : très développée (cellules de Langerhans épidermiques)
- L’altération d’un ou plusieurs de ces mécanismes de défense est responsable de la survenue des infections cutanées suivantes
Impétigo
Introduction :
- L’impétigo est une infection cutanée bactérienne superficielle (épidermite), non-folliculaire, auto-inoculable et non-immunisante
- Favorisé par la promiscuité, la mauvaise hygiène et l’effraction cutanée
Épidémiologie :
- Âge : surtout l’enfant (5-6 ans), parfois nouveau-né et nourrisson, sex-ratio = 1
➢ Adulte : sous forme d’une impétiginisation (sur une dermatose préexistante)
- Contagiosité : très contagieuse, petites épidémies familiales ou de collectivités
- Germes : Staphylocoque doré pathogène (70%), Streptocoque β-hémolytique (25%), Streptocoque α-hémolytique (10%)
Clinique :
Type de description : impétigo vésiculo-bulleux de l’enfant
- Lésion élémentaire :
➢ Vésiculo-bulle superficielle : de quelques millimètres à 3 cm, sous-cornée, à contenu rapidement trouble (pustule), flasque et fragile, évoluant rapidement vers la formation de :
▪ Érosion : érythémateuse, suintante, superficielle, recouverte de :
✓ Croûtes : jaunâtres, mélicériques (couleur du miel), à extension centrifuge ± aréole inflammatoire périphérique
➢ Il coexiste des lésions d’âges différents (vésiculo-bulle, érosion, croûtes)
- Groupement : soit isolées, soit groupées en plaques crouteuses par extension périphérique avec tendance à la guérison centrale, aspect circiné
- Topographie : souvent péri-orificielle au départ, puis diffusion au visage (+++) puis au reste du corps par portage manuel
- Signe fonctionnel : prurit modéré
- Signes associés : adénopathies régionales fréquentes, signes généraux absents (pas de fièvre)
Formes cliniques :
- Impétigo géant phlycténulaire (impétigo bulleux) : forme caractéristique du nouveau-né et du nourrisson, sous forme de petites épidémies sporadiques (crèches, maternités), par portage manuel du personnel soignant (staphylococcique +++)
➢ Clinique : bulles de grande taille (1-2 cm) avec un érythème périphérique
- Impétigo ecthyma : impétigo creusant, touchant l’épiderme et le derme (ulcéreux)
➢ Facteurs favorisants : stase veineuse, mauvaise hygiène, diabète, alcool, HIV
➢ Germe : Staphylocoque +++, Streptocoque β-hémolytique du groupe A, mixte
➢ Clinique : ulcération nécrotique recouverte de croûtes noires
➢ Siège : membres inférieurs
- Impétiginisation (impétigo de l’adulte) : infection secondaire à une dermatose préexistante par le Staphylocoque ou le Streptocoque, la dermatose devient suintante et purulente. Toujours éliminer une dermatose prurigineuse (gale, eczéma de contact)
Diagnostic positif :
- Interrogatoire : âge, épidémie, dermatose préexistante
- Clinique : aspect polymorphe, siège (péri-orificiel)
- Bactériologie : rarement demandée, inutile en pratique
- Histologie : rarement demandée
Évolution / Complications :
- Sous traitement : les lésions régressent en quelques jours, sans laisser de cicatrice (sauf dans l’ecthyma)
- Sans traitement :
➢ Complications septiques :
- Locales : abcès, pyodermite, lymphangite, plus rarement ostéomyélite
- Générales : bactériémies, septicémies, pneumonies
➢ Immunologiques : la glomérulonéphrite aigüe due au Streptocoque du groupe A (on recherchera systématiquement une protéinurie, 3 semaines après)
➢ Toxiniques :
- Épidermolyse Staphylococcique aigüe : syndrome SSSS (Staphylococcal Scalded Skin Syndrome)
- Scarlatine Staphylococcique : érythème diffus, prédominant dans les plis et ne s’accompagnant pas de bulles, évoluant vers la desquamation en 10-20 jours
➢ Récidives : faire un prélèvement des gîtes à Staphylocoque (fosses nasales +++) chez le malade et la famille car il existe un portage chronique chez un sujet sain
Traitement :
- Mesures générales : éviction scolaire de quelques jours, examiner l’entourage notamment en collectivité, traitement éventuel des gîtes à Staphylocoque si récidives, mesures d’hygiène (port de sous-vêtements propres, ongles coupés courts), traitement étiologique d’une dermatose prurigineuse sous-jacente
- Traitement local : il est systématique et souvent suffisant dans les formes peu étendues
➢ Lavage : biquotidien, à l’eau et au savon
➢ Antiseptiques (Chlorhexidine, povidone iodée, permanganate de potassium) et/ou antibiotiques topiques (acide fusidique, Mupirocine) : en application bi- ou tri-quotidiennes
➢ Durée : 8 à 10 jours
- Traitement général :
➢ Indications : lésions étendues, extensives, signes généraux majeurs
➢ Choisir un antibiotique à large spectre d’action (agir sur le Staphylocoque et le Streptocoque) : Pénicilline M (Oxacilline, Cloxacilline : 30-50 mg/kg/j), Amoxicilline + acide clavulanique ou Céphalosporine de 1ère génération, Synergistine (Pristinamycine : 30-50 mg/kg/j) ou acide fusidique (1-1.5 g/j chez l’adulte, 30-50 mg/kg/j chez l’enfant)
➢ Durée : 10 jours
Infections folliculaires :
Infections du follicule pilo-sébacé, le plus souvent dues au Staphylocoque doré
- Folliculites :
➢ Folliculites superficielles :
- Clinique : papulo-pustules centrées par un poil et à base souple
- Siège : visage (barbe, front), tronc (dos, face antérieure du tronc), région fessière et jambes
- Évolution : aigüe, par poussées
- Traitement : essentiellement local, 2x/j pendant 8-10 jours, antiseptiques locaux (Hexamidine ou dérivés iodés), règles d’hygiène générale
➢ Folliculites profondes :
- Clinique : nodule rouge, ferme, douloureux, surmonté d’une pustule et centré par un poil
- Évolution : subaigüe, sans évacuation de pus
- Traitement : pendant 8-10 jours, traitement local (à raison de 2x/j, antiseptiques et antibiotique topique), parfois traitement général anti-Staphylocoque (Oxacilline)
- Furoncles : folliculite profonde, nécrosante (nécrose de tout l’appareil pilo-sébacé)
➢ Clinique :
- Furoncle isolé : débute avec une folliculite profonde puis apparaît une zone nécrotique, jaunâtre appelée le « bourbillon » qui va s’éliminer en laissant une zone ulcérée, cratériforme, guérison avec cicatrice définitive
- Anthrax : c’est un agglomérat de furoncles, réalisant un placard inflammatoire hyperalgique, parsemé de pustules
✓ Signes généraux : fièvre et adénopathies régionales
- Staphylococcie maligne de la face : rare, elle vient compliquer la manipulation d’un furoncle médio-facial
✓ Clinique : dermo-hypodermite profonde du visage + signes généraux marqués
✓ Évolution : vers une thrombophlébite du sinus caverneux gravissime
- Furoncle récidivant (furonculose) : évolue par poussées espacées de quelques semaines à mois, observée chez l’adulte jeune de sexe masculin le plus souvent
✓ Facteurs favorisants : diabète, séborrhée, hypersudation, défaut d’hygiène, obésité, déficit immunitaire
✓ La notion de portage sain du Staphylocoque est essentielle (chez le malade ou l’entourage), dont 60% des cas sont des porteurs intermittents
✓ Gîtes du Staphylocoque : fosses nasales (50%), milieu intestinal (20%, surtout les nourrissons), périnée et plis (25% : ombilic, aisselles, rétro-auriculaire, conduit auditif externe)
➢ Traitement :
- Furoncle ou anthrax isolé :
✓ Antibiothérapie générale anti-Staphylocoque : indiquée si furoncle isolé mais volumineux, furoncle médio-facial, anthrax, furonculose, existence des signes généraux, terrain (diabétique, immunodépression). Les molécules sont alors la Pénicilline M, les synergistines, l’acide fusidique, pendant 10 jours
✓ Traitement local : antiseptique + antibiotiques locaux, 2x/j pendant 10 jours (peut suffire)
✓ Mesures d’hygiène locale et générale : lavage soigneux des mains avant et après les soins, mise en place d’une protection par un pansement
- Furonculose : les recommandations sont : port de vêtements amples, hygiène rigoureuse (douche quotidienne avec la Chlorhexidine), lavage à 90°C du linge
✓ Prélèvement : au niveau des sites à Staphylocoque (patient et entourage familial) puis traitement si positif, acide fusidique ou Mupirocine, 2x/j, 10 jours/mois, pendant 6-12 mois
✓ Antibiothérapie : par voie générale + traitement local
✓ Arrêt de travail : en cas de profession comportant un risque de contamination alimentaire
Érysipèle :
Définition :
- C’est une dermo-hypodermite, bactérienne, aigüe, non-nécrosante, liée le plus souvent (85%) à un Streptocoque β-hémolytique du groupe A
- Des germes différents sont parfois associés
Épidémiologie :
- Affection fréquente, sex-ratio = 1
- Âge : adulte (55-65 ans), parfois adulte jeune, rarement l’enfant
- Topographie : membres inférieurs (80%), face
- Facteurs favorisants :
➢ Porte d’entrée locorégionale : plaie chronique (ulcère de jambe, plaie opératoire), fissuration inter-orteil (mécanique ou mycosique), simple traumatisme des extrémités des membres inférieurs
➢ Insuffisance veineuse ou lymphatique des membres inférieurs
➢ Facteurs généraux : diabète, immunodépression, âge avancé
Diagnostic :
- Diagnostic positif : clinique (+++), le germe est rarement mis en évidence (porte d’entrée ou hémocultures)
➢ Aspects cliniques : forme habituelle de l’adulte : grosse jambe rouge aigüe fébrile unilatérale
- Début : est brutal, fièvre élevée (39-40°C) voire des frissons, puis :
✓ Signes cutanés : placard cutané inflammatoire érythémato-œdémateux, rouge vif, chaud et douloureux à la palpation, bien limité, s’étendant progressivement, un bourrelet périphérique est rare sur la jambe mais fréquent au visage, des décollements bulleux superficiels (conséquence mécanique de l’œdème dermique) ou des lésions purpuriques
- Signes associés : adénopathie inguinale inflammatoire ± signes digestifs (diarrhée), il existe fréquemment une porte d’entrée locorégionale
➢ Examens complémentaires : souvent hyperleucocytose avec polynucléose neutrophile, syndrome inflammatoire biologique (CRP précocement élevée, VS), sérologie des Streptocoques (ASLO, ASD, ASK) non-spécifique, élévation franche des taux 2-3 semaines d’intervalle (diagnostic rétrospectif). Dans la forme typique, aucun examen bactériologique n’est nécessaire
➢ Formes cliniques :
- Symptomatiques : formes bulleuses, purpuriques, pustuleuses et abcédées
- Topographiques :
✓ Visage (5-10% des cas) : souvent unilatéral et très œdémateux, avec un bourrelet périphérique marqué. Plus rarement : membre supérieur, abdomen, thorax…
- Évolutives (formes subaiguës) : la fièvre et l’hyperleucocytose sont modérées, voire absentes, le diagnostic repose entièrement sur la clinique et la régression sous antibiotiques
- Diagnostic différentiel :
➢ Au visage : eczéma aigu, staphylococcie maligne de la face, zona ophtalmique
➢ Au membre : phlébite (parfois associée), poussée inflammatoire de lipodermatosclérose d’origine veineuse, syndrome œdémateux aigu des membres inférieurs, envenimations
▪ Fasciite nécrosante : l’importance des signes toxiques généraux, l’absence d’amélioration sous antibiothérapie, l’extension locale des signes de nécrose, une crépitation èimposent une exploration chirurgicale qui assure le diagnostic
Traitement :
- Hospitalisation : si doute diagnostique, signes généraux marqués, complications, comorbidité significative, contexte social défavorable, absence d’amélioration à 72h
- Moyens :
➢ Antibiothérapie : systémique, antistreptococcique
▪ β-lactamines (+++) :
✓ Pénicilline G : injectable, traitement de référence, 10-20 MUI/j en 4-6 perfusions
✓ Pénicilline V : orale, 4-6 MUI/j en 3 prises quotidiennes
✓ Pénicilline A : orale, Amoxicilline (3-4.5 g/j en 3 prises quotidiennes) en première intention en cas de traitement à domicile ou de relais de la Pénicilline G après obtention de l’apyrexie
- Synergistines : Pristinamycine : 2-3 g/j en 3 prises quotidiennes
- Clindamycine : 600-1200 mg/j en 3-4 prises (effets indésirables digestifs)
- Glycopeptides, Augmentin® ou Céphalosporines
➢ Traitement adjuvant : repos strict au lit (nécessaire jusqu’à la régression de l’inflammation), traitement anticoagulant préventif (si érysipèle + insuffisance veineuse du membre inférieur), les AINS et les corticoïdes sont formellement déconseillés (risque évolutif vers la fasciite nécrosante), traitement antalgique (en cas de douleur) et traitement adapté de la porte d’entrée, contention élastique (si œdème)
- Indications :
➢ Si hospitalisation : Pénicilline G en IV (au moins jusqu’à l’apyrexie) puis relais per os (Pénicilline V, Amoxicilline). Durée totale : 10-20 jours
➢ Si à domicile : Amoxicilline per os pendant 15 jours environ
- Pristinamycine (ou Clindamycine) en d’allergie aux β-lactamines ou en 2e intention,
notamment si une étiologie staphylococcique est suspectée
- Prévention des récidives : traitement d’une porte d’entrée persistante et d’une insuffisance veino-lymphatique, hygiène cutanée soigneuse
➢ En cas de récidives multiples : discuter une pénicillinothérapie au long cours (Extencilline® : 2.4 MUI en IM toutes les 2-3 semaines)
Vous devez vous connecter pour laisser un commentaire.