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Syphilis

Syphilis
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Introduction :

Historique :

Microbiologie :

Mode de transmission :

Classification :

Il existe plusieurs classifications qui se superposent en partie :

Syphilis récente (précoce) : regroupe les formes primaire, secondaire et latente de moins d’un an (découverte d’une sérologie syphilitique positive sans lésion clinique, datant de moins d’un  an),  caractérisées  par  une  forte  contagiosité  et  un  faible  risque  de  séquelles neurologiques

Syphilis tardive : regroupe les formes de syphilis latente tardive de plus d’un an (non-datable ou datant de plus d’un an) et tertiaire, ayant en commun une faible contagiosité mais un fort risque de séquelles neurologiques

Clinique :

Chancre syphilitique (point d’inoculation) : le chancre est typiquement une exulcération (ou érosion) ou plus rarement une ulcération muqueuse bien circonscrite, de 5-15 mm de diamètre en moyenne, unique, plus rarement multiple, à fond propre, rosé, à base indurée à la palpation protégée (c’est le seul caractère sémiologique vraiment évocateur, il se traduit par l’impossibilité de plisser, entre deux doigts, la surface de l’ulcération qui ne fait qu’un bloc avec l’induration sous-jacente), indolore. On a décrit des chancre nains, géants, douloureux et inflammatoire (surinfection), mixtes…

Chez l’homme : est assez électivement dans le sillon balano-préputial, plus rarement sur le gland ou sur le fourreau

Chez la femme : est le plus souvent sur la partie externe de la vulve (petites lèvres, grandes lèvres, fourchette), plus rarement vaginal et comme il est indolore, il passe alors volontiers inaperçu

Dans les deux sexes : le chancre peut siéger sur la muqueuse buccale ou pharyngée (fellation), la muqueuse anorectale

Adénopathie satellite : apparaît 4-7 jours après le chancre, le chancre s’accompagne d’une adénopathie satellite non-inflammatoire, le plus souvent unilatérale, ce sont des ganglions multiples, petits et durs, parfois centrés par un ganglion plus volumineux (le « préfet » de l’aine dans le creux inguinal), mobiles, indolores, sans péri-adénite, qui ne fistulise pas à la peau. Dans certaines localisations (col utérin, rectum) l’adénopathie n’est pas cliniquement visible

Évolution :

Manifestations  cutanées :  l’éruption  cutanée  évolue  en  deux  phases  plus  ou  moins intriquées :

Syphilides palmoplantaires : ne sont pas papuleuses mais infiltrées, elles siègent à cheval sur les plis palmaires ou plantaires, ce qui permet de les distinguer des taches hyper-pigmentées physiologiques chez les noires

Sur le visage : les papules peuvent se regrouper, dessinant des circinations, des S, tout particulièrement sur les joues et le menton (syphilides élégantes de Brocq), l’atteinte des sillons nasogéniens évoque une dermatite séborrhéique et celle du menton une acné

Syphilides périnéales et génitales : multiples, indolores, non-prurigineuses, molles papulo-érosives, souvent macérées, donnant lieu à un aspect végétant (condyloma lata) très contagieuse. L’atteinte des plis est volontiers érosive

✓ Le polymorphisme clinique est important et la lésion peut se présenter sous forme de squames, de croûtes, d’ulcérations ou de nécroses mais on trouve toujours, par-dessous, la papule et jamais de vésicules

Manifestations muqueuses : l’atteinte des muqueuses réalise les plaques muqueuses, il s’agit de lésions maculo-papuleuses, arrondies, à limites nettes, indolores, qui peuvent devenir érosives ou végétantes selon la localisation, elles sont contemporaines de la roséoles et des syphilides papuleuses, elles sont très contagieuses et peuvent durer plusieurs mois, elles touchent la langue (« plaques fourchées » car les papilles y sont abrasées comme fauchées), le pharynx et le larynx (raucité de la voix), la commissure labiale (fausse perlèche avec papule para-commissurale fendue en deux et non simple fissure sans relief du fond du pli), les organes génitaux externes

Manifestations phanériennes : l’atteinte des phanères est classique mais rare

Signes généraux : ils traduisent la dissémination de l’infection, ils sont le plus souvent discrets mais peuvent être sévères : fièvre (le plus 38-38.5°C pouvant atteindre 39-39.5°C), céphalées (qui ne sont pas synonymes d’une atteinte neuro-méningée), syndrome méningé, poly- adénopathies, hépato-splénomégalie (avec hépatite biologique cytolytique ou cholestatique), poly-arthralgies, douleurs lancinantes « osseuses », altération variable de l’état général, manifestations  ophtalmiques  (papillite,  uvéite,  névrite  optique,  justifiant  un  examen ophtalmologique systématique au cours des syphilis secondaires, leur présence modifierait le traitement au même titre qu’une atteinte neurologique et nécessiterait un traitement par Pénicilline G en IV)

Manifestations cutanées :

Stade  nodulaire :  sont  des  nodules  hypodermiques,  fermes,  mobiles, indolores, non-prurigineux, 2-10 cm de diamètre, uniques ou peu nombreux

Stade de ramollissement : en quelques semaines, le nodule se ramollit et devient fluctuant, il adhère à la peau qui devient inflammatoire

Stade d’ulcération : la peau s’ouvre sous la forme d’un trajet fistuleux qui va s’agrandir pour réaliser une ulcération parfaitement arrondie (comme tracée au compas), de quelques centimètres de diamètre et de bords réguliers, le fond de cette ulcération devient rapidement propre après évacuation des débris cellulaires

Stade de cicatrisation : en quelques mois, la peau se referme, réalisant une cicatrice arrondie, au centre atrophique blanchâtre, déprimée à la périphérie, pigmentée

Atteinte de la muqueuse buccale : en particulier la voute palatine et la luette, qui va réaliser une voix nasonnée et peut aboutir, en association aux lésions d’ostéochondrite nasale, à un effondrement des structures nasales avec nez en « pied de marmite »

Manifestations viscérales :

Neurosyphilis asymptomatique : la présence d’anomalies du liquide cérébrospinal constitue un facteur de risque d’apparition ultérieure d’une neurosyphilis symptomatique

Neurosyphilis symptomatique : classiquement, on distingue :

Paralysie générale :  dominée par les troubles des fonctions supérieures, l’abolition des réflexes, des manifestations psychiatriques (démence)

Tabès (ataxie locomotrice progressive) : survient en moyenne entre 15 et 20 ans  après  la  syphilis,  il  est  la  conséquence  d’une  sclérose  des  cordons postérieurs de la moelle, il se manifeste par : anomalies pupillaires, perte des réflexes achilléens et rotuliens, douleurs fulgurantes, signe de Romberg, signe d’Argyll-Robertson,  troubles  de  la  sensibilité  profonde,  ataxie,  troubles vésicaux, paresthésies, atrophie optique, incontinence fécale, troubles de la sensibilité superficielle (douleur, toucher), maux perforants plantaires

Gommes du SNC : sont rares et se manifestent par un syndrome tumoral

Syphilis congénitale précoce : se révèle de la naissance à 2 ans, c’est l’équivalent congénital de la syphilis secondaire, elle associe, de la même manière, signes cutanéomuqueux, osseux, méningés et atteintes viscérales diverses

Syphilis congénitale tardive : se révèle après l’âge de 2 ans, c’est l’équivalent congénital de la syphilis tertiaire

Stigmates : sont les séquelles des lésions observées au cours de la syphilis congénitale, les plus caractéristiques sont les rhagades et les anomalies dentaires

Diagnostic biologique :

Le tréponème ne se cultivant pas in vitro, le diagnostic de la syphilis ne peut se faire que par la mise en évidence de tréponème lui-même au microscope à fond noir ou indirectement par la mise en évidence de la réponse spécifique anticorps

Tests nontréponémiques (non-spécifiques ou anti-cardiolipidiques) : utilisent un antigène cardio-lipidique ubiquitaire

Objectif :

❖ Il met en évidence, dans le sérum du patient, des anticorps anti- cardiolipidiques,  l’antigène  cardiolipidque  utilisé  comme  cible  est présent dans tous les tréponèmes pathogènes mais aussi dans de nombreuses cellules animales ou végétales

❖ Le VDRL n’est pas une réaction spécifique des tréponématoses (+++), une sérologie syphilitique faussement positive (VDRL positif et TPHA négatif) s’observe au cours de maladies dysimmunitaires, notamment au cours du lupus et du syndrome des anticorps anti-phospholipides

❖ Le VDRL met en présence du sérum du malade un antigène cardio- lipidique  commercialisé  préalablement  fixé  sur  ses  cristaux  de cholestérol. En présence d’anticorps, il se forme des complexes qui agglutinent les cristaux de cholestérol ce qui forme des agrégats plus ou moins gros, c’est la grosseur de ces agrégats qui définit la positivité, qui va de + à +++

Cinétique :

❖ Le VDRL se positive, en moyenne, 15 jours après l’apparition du chancre

❖ Le titre augmente, ensuite, rapidement pour atteindre un plateau durant la phase secondaire, variable selon les patients, généralement situé entre 256 et 1024 U

❖ Le VDRL reste donc très positif durant toute la phase secondaire

❖ La surveillance biologique de l’efficacité du traitement se fait sur le VDRL quantitatif (+++), on considère que le traitement est efficace quant le titre du VDRL est divisé par 4 (deux dilutions) 6 mois après le traitement

❖ En l’absence d’une décroissance de ce type, le traitement doit être repris,  inversement,  une  recontamination  syphilitique  (la  maladie n’étant pas immunisante) peut être diagnostiquée non-seulement sur la clinique mais aussi sur la remontée significative du VDRL quantitatif (titre multiplié au moins par 4)

Fausses sérologies de la syphilis

(causes non-tréponémiques d’une positivité du VRDL)

Causes infectieuses

Causes noninfectieuses

  • Bactériennes : lèpre, tuberculose, pneumococcie, leptospirose, borréliose, scarlatine
  • Virales : varicelle, oreillons, mononucléose infectieuse, hépatite virale, rougeole, VIH
  • Parasitaires : paludisme
Grossesse, toxicomanie intraveineuse, hépatopathie chronique, gammapathie monoclonale, lupus érythémateux systémique, syndrome des anti-phospholipides, cancers

Tests  tréponémiques (spécifiques) :  utilisent  un  antigène  tréponémique,  ils  sont  plus sensibles et plus spécifiques que les tests réaginiques. Le TPHA n’est pas couteux et est utilisé en routine, en revanche, le FTA est cher. Ils se positivent un peu avant les tests réaginiques

Cinétique :

❖ Le TPHA se positive autour du 8e-10e jours du chancre, l’intensité de la réaction est cotée en croix, il atteint rapidement +++ et, en l’absence de traitement, restera +++ jusqu’à la fin de la vie, il est donc à +++ durant la syphilis secondaire et après le 8e-10e jour du chancre

❖ Le TPHA ne se négative que très inconstamment si le traitement a été bien conduit et si celui-ci a été institué précocement. Au-delà de ce délai, le TPHA restera positif

❖ Le titre du TPHA quantitatif n’est pas un bon marqueur de l’évolutivité de la maladie, ni de la réponse au traitement, car il varie de façon importante d’un examen à l’autre pour un même patient

Cinétique :

❖ Le FTA se positive vers le 5e jour du chancre, c’est donc le premier test à se positiver, quelques jours avant le VDRL et le TPHA

❖ En l’absence de traitement, le FTA reste positif à un titre élevé tout au long de la phase primo-secondaire

❖ Se intérêt se limite au diagnostic sérologique chez le nouveau-né en cas de suspicion de transmission pendant la grossesse (FTA IgM) et dans la syphilis primaire au tout début du chancre si les 2 tests TPHA et VDRL sont négatifs

❖ Pour augmenter la sensibilité du test, il est possible dans un premier temps d’absorber le sérum du malade sur un ultrasonat de tréponèmes saprophytes de Reiter ce qui neutralise les anticorps parasites : c’est le FTA absorbé

Autres tests :

  TPHA (+) TPHA (-)
VDRL (+) Tréponématose   non-vénérienne   (zone   d’endémie)   ou vénérienne, traitée ou non, guérie ou non Faux positif
VDRL (-) – Séquelle sérologique d’une tréponématose non-vénérienne
– Syphilis, a priori, guérie
– Syphilis primaire dans les 10-15 jours suivants le chancre
– Absence de tréponématose
– Syphilis en incubation
– Syphilis primaire dans les 10 jours suivants le chancre

Histol
ogie :

L’histologie de la syphilis est peu spécifique, l’image la caractéristique de la syphilis secondaire associe un infiltrat inflammatoire plus ou moins dense du derme où prédominent les lymphocytes et les plasmocytes avec atteinte des vaisseaux. L’atteinte épidermique la plus fréquente est l’exocytose

Diagnostic différentiel :

Traitement :

➢ Si le diagnostic de syphilis précoce est évoqué : faire un examen clinique soigneux (rechercher notamment des signes neurologiques), rechercher une autre IST (gonocoque, C. trachomatis, VIH, hépatite B…), faire une ordonnance pour TPHA-VDRL :

➢ Ne pas hésiter à contacter un spécialiste dans certaines situations délicates : femme enceinte, sujet séropositif pour le VIH, allergie à la Pénicilline

➢ Faire systématiquement un examen ophtalmologique en cas de syphilis secondaire : une atteinte ophtalmologique éventuelle modifierait la prise en charge thérapeutique au même titre qu’une atteinte neurologique

Schéma  thérapeutique  recommandé :  est  le  même  pour  les  3  situations  (primaire, secondaire, latente précoce), en l’absence d’allergie à la Pénicilline et de contre-indications aux  injections  intramusculaires :  une  injection  intramusculaire  unique  de  2.4  MUI  de Benzathine Benzyl-Pénicilline G (Extencilline®)

Suivi  du  traitement :  l’efficacité  du  traitement  doit  être  contrôlée  cliniquement  et biologiquement à 6, 12 et 24 mois, le suivi biologique se fait sur le VDRL quantitatif (titre divisé par 4 (2 dilutions) à 6 mois), si ce n’est pas le cas, l’avis d’un spécialiste est justifié. Le VDRL doit être négatif un an après le traitement d’une syphilis primaire et dans un délai de 2 ans après traitement d’une syphilis secondaire

Prévention de la réaction de Jarisch-Herxheimer :

Conclusion :

Même si le diagnostic de la syphilis et son traitement ont beaucoup gagné en simplicité et en fiabilité au cours des dernières décennies, elle continue de susciter un grand intérêt après plus de cinq siècles

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