Traumatisme crânien grave

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(Last Updated On: 16 septembre 2018)

I- INTRODUCTION :

Le traumatisme crânien grave, véritable problème de santé publique survient généralement chez des sujets jeunes et représente la première cause de mortalité

Les progrès effectués dans la prise en charge initiale, la compréhension des mécanismes physiopathologiques ont contribué à l’amélioration du pronostic.

L’un des causes d handicap moteur

Définition :

Le patient victime d’un Traumatisme crânien grave se définit comme un patient comateux avec un GCS (Glasgow score) inférieur ou égale à 8/15.

II- ÉPIDÉMIOLOGIE :

L’incidence annuelle de l’ensemble des traumatismes crâniens (TC) est évaluée en Europe à 150 à 300/100 000 habitants par an, avec trois pics d’incidence liés à l’âge: moins de 5 ans, 15-24 ans et plus de 75 ans (les hommes sont plus touchés que les femmes sauf après 75 ans).

III- LÉSIONS ANATOMO PATHOLOGIQUES :

On distingue les lésions primaires, immédiatement présentes après le traumatisme facilement décelables, et les Lésions secondaires qui se développent de façon retardée en quelques heures doivent être recherchées

Les lésions traumatiques seront décrites de la périphérie vers l’endocrâne.

a- Lésions primaires :

plaies du scalp :

Fréquente, leur principal risque est l’hémorragie car le scalp saigne beaucoup.

lésions osseuses Elles peuvent concerner la voûte ou la base du crâne.

  • Au niveau de la voûte, il s’agit le plus souvent de fractures linéaires uniques Les fractures avec enfoncement (embarrures) peuvent entraîner des plaies durales ou corticales. Elles doivent presque toujours être opérées.
  • Les fractures de la base du crâne sont classées en 3 groupes :
  • fractures de la voûte irradiées à la base
  • fractures isolées de la base
  • fractures de la base associées à des fractures du massif facial

On note la fréquence des fistules de LCR qui sont révélées par une rhinorrhée ou une otorrhée

les lésions intracrâniennes extra-cérébrales

L’hémorragie méningée traumatique est extrêmement fréquente

les lésions encéphaliques

– les lésions encéphaliques focales

  1. Commotion cérébrale
  2. Contusion cérébrale
  3. Œdème cérébral
  4. Nécrose
  5. Hémorragie

b- Lésions secondaires :

lésions secondaires extra-cérébrales

  • hématome extradural

C’est la complication majeure. Il s’agit d’une urgence absolue.

  • hématome sous-dural aigu

Le tableau clinique et le pronostic sont très graves. Ils sont favorisés par les AVK

  • hématome sous-dural chronique est une complication tardive (quelques semaines à quelques mois) d’un traumatisme crânien

lésions secondaires intra-cérébrales

Correspond a l’aggravation des lésions primaires encéphaliques, focales ou diffuses, favorisée par

Des phénomènes locaux au niveau des lésions initiales

Des phénomènes généraux hypertension intracrânienne, hypotension artérielle, infections…

IV- PHYSIOPATHOLOGIE :

A- Causes :

Les principales causes sont résumées dans le tableau ci-dessous

Causes Frequences
Accidents voie publique 60%
Chutes 32%
Traumatismes balistiques <1%

B- Mécanisme :

2 grands mécanismes sont décrits :

  • avec impact direct sur le crâne
  • sans impact direct sur le crâne

Les traumatismes crâniens sont des traumatismes cinétiques. La tête, supportée par la tige flexible du rachis cervical, ne reste jamais immobile.

Lors des traumatismes avec impact, soit la tête est en mouvement avant le choc et va alors être soumise à un effet de décélération, soit elle est immobile et va être soumise à un effet d’accélération.

En l’absence d’impact direct (automobiliste ceinturé), elle va être soumise à des effets conjugués d’accélération/décélération. Peut engendrer :

  • des lésions lobaires focales par impact des hémisphères cérébraux sur les reliefs internes du crâne.
  • des lésions d’étirement et/ou de cisaillement des axones et des vaisseaux au niveau des zones de densité différente (substance blanche/ substance grise), appelées lésions axonales diffuses

C- Conséquences :

1- Hypertension intracrânienne :

à l’état normal :

Le volume cérébral total est constant lui-même par le parenchyme cérébral, le liquide céphalo-rachidien (L.C.R.) et le volume sanguin cérébral (YSC) dont pression intracrânienne (PIC) dépend des variations de ces trois volumes.

  • la PIC se définit comme étant la pression hydrostatique du L.C.R en position couchée 10 mmHg environ. Elle est déterminée par l’équilibre des débits d’admission et de sortie de l’enceinte cranio-encéphalique, c’est à dire par le débit de L.C.R et le débit sanguin cérébral (DSC)
  • La PPC est définie comme la différence entre la pression artérielle moyenne (PAM) et la pression intracrânienne (PPC = PAM – PIC).
  • Le DSC est sous la dépendance de la pression de perfusion cérébrale (PPC) et des résistances vasculaires (RV) : DSC = PPC/RV.

Physiologiquement, une autorégulation atténue les effets de la PAM et le reste constant entre 50 et 150 mmHg de PAM. Le DSC est également très sensible aux variations de la PaC02. Le C02 (produit du métabolisme cérébral) est l’un des agents les plus actifs sur la vasomotricité cérébrale et une augmentation de la PaC02 s’accompagne d’une augmentation du DSC et inversement.

Lors d’un traumatisme crânien :

Il s’en suit une hypertension intracrânienne incompatible avec une PPC suffisante. Cette HTIC est liée à l’apparition d’un nouveau volume qui va modifier l’équilibre des pressions, qui peut correspondre à une : contusion parenchymateuse, un hématome sous- dural, extra-dural ou intraparenchymateux, un œdème cérébral, une augmentation du volume de L.C.R. (hydrocéphalie), ou une augmentation du VSC par perte de l’autorégulation du DSC.

La PIC se modifie peu au début (stade de compensation) et beaucoup dans un Second temps (stade de décompensation), des déplacements parenchymateux qui se dirigent des zones de hautes pressions vers celles de basses pressions => engagement.

2- Désordre métabolique et circulatoire cérébrale :

Il existe normalement un couplage entre les besoins métaboliques liés à l’activité neuronale et la fourniture des substrats. Si le métabolisme cérébral augmente, le DSC s’adapte

pour assurer un apport suffisant de substrats. Inversement, lors d’un coma, la consommation cérébrale en oxygène (CMR02) diminue, et le DSC diminue de façon parallèle. On peut ainsi observer des situations où le DSC est en excès par rapport à laCMR02 (situation d’hyperhémie) et favorise l’hypertension intracrânienne, ou au contraire, il est insuffisant (situation de bas débit) avec un risque d’ischémie.

3- Conséquence systémique :

On retrouve :

Une HTA associée à l’élévation de la PIC (réflexe de CUSHING),

Une hypoxie d’origine plurifactorielle (obstruction des voies aériennes, trouble de la mécanique respiratoire, du rapport ventilation/perfusion, plus rarement œdème pulmonaire neurogénique),

Des troubles métaboliques et hydroélectrolytiques (hyper catabolisme, diabète insipide).

V- ÉVALUATION CLINIQUE D’UN TRAUMATISE CRÂNIEN :

UN TRAUMATISE CRANIEN EST POTENTIELLEMENT UN POLYTRAUMATISE UN TRAUMATISE CRANIEN DOIT ETRE CONSIDERE COMME UN TRAUMATISE DU RACHIS CERVICAL JUSQU’A PREUVE DU CONTRAIRE

1- Évaluation de l’état de conscience : échelle de Glasgow

La profondeur et la durée coma sont en effet deux critères majeurs du pronostic. Pour qu’il n’y ait pas désaccord entre les observateurs, l’examen de l’état de conscience utilise échelle d’évaluation, la Glasgow Coma Scale (GCS). Cette échelle clinique évalue la meilleure réponse que le blessé peut fournir lorsqu’on lui demande d’ouvrir les yeux (sur 4 points), de répondre à une question (sur 5 points), et d’exécuter un ordre simple (sur 6 points).

L’échelle de Glasgow a l’avantage d’être simple et permet grâce à des examens répétés de suivre l’évolution du TC.

En revanche, sa détermination peut être difficile voire impossible lors de certaines circonstances (sédation, intubation, déficit neurologique associé).

Ouverture des yeux (E)
4 -> Spontanée
3 -> Au bruit
2 -> A la douleur
1 -> Absente

Réponse verbale (V)
5 -> Orientée
4 -> Confuse
3 -> Inappropriée
2 -> Incompréhensible
1 -> Rien

Meilleure réponse Motrice(M)
6 -> Obéit à l’ordre oral
5 -> Orientée à la douleur
4 -> Évitement M. sup. à la douleur
3 -> Flexion M. sup. à douleur
2 -> Extension M. sup. à douleur
1 -> Rien

On parlera d’aggravation lorsque entre deux examens successifs sera notée la perte de 2 points sur l’échelle de Glasgow

2- Examen neurologique :

L’examen neurologique d’un traumatisé crânien doit être simplifié Il évalue la motricité, le tonus, et l’oculomotricité.

  • Examen de la motricité à la recherche d’un déficit moteur des membres, qui signe une atteinte focale.
  • Examen du tonus ; l’attitude hypertonique des membres est un signe péjoratif.

On parle d’état de décérébration lorsque les membres inférieurs et supérieurs sont en extension.

– Examen des pupilles

On examine le diamètre pupillaire (mydriase = diam > à 4-5mm, myosis = diam < à 2 mm) et le réflexe photomoteur (contraction de la pupille à la lumière).

Toute anisocorie (inégalité pupillaire) ou toute mydriase doit être notée.

La mydriase bilatérale aréactive signe l’arrêt de la circulation cérébrale ; cette situation est irréversible.

Il faut se rappeler que l’utilisation des drogues morphinomimétiques nécessaire pour maintenir une neurosédation s’accompagne toujours d’une réduction du diamètre pupillaire (léger myosis), et d’une diminution de la réponse du réflexe photomoteur.

L’examen neurologique est complété par la recherche des réflexes du tronc cérébral
– fronto-orbiculaire
– photomoteur
– oculo-cardiaque
– oculo-cephalique horizontal
– oculo-cephalique certical

En dehors d’une instabilité hémodynamique un examen général est toujours nécessaire à la recherche de traumatisme associé et surtout à des défaillances qui peuvent aggraver la situation préexistante et qui rentre dans le cadre d’agression cérébrale secondaire.

3- Agressions cérébrales secondaires d’origine systémique (ACSOS) :

s’observent dans les traumatismes crâniens graves et sont d’origine intra ou extra crânienne, débutent précocement sur le lieu de l’accident ou durant le transport et influent sur le pronostic.

Les ACSOS correspondent donc, aux divers troubles systémiques (cardio-respiratoire, métabolique). Cela perturbe T hémodynamique cérébrale avec modification de la pression intracrânienne (PIC). Ils conduisent, par le biais de l’œdème, de la vasoplégie et de l’hypertension intracrânienne (HTIC) à la constitution de » véritables cercles vicieux «, dont le résultat final est l’ischémie cérébrale

Les facteurs extra crâniens sont :
– Hypoxie (Spo2 inf 90%)
– Hypercapnie -Hypocapnie
– Hyperthermie (T sup 38)
– Hyponatrémie
– Hypotension (PAS inf à 90 mmhg) -hypertension artérielle (PAS sup a 160 mmhg)
– Hyperglycémie -hypoglycémie
– Anémie (Hb inf a 9g/dl )

VI- EXAMENS COMPLÉMENTAIRES :

A- Évaluation radiologique :

Le scanner TDM : Le scanner cérébral sans injection de produit de contraste est l’examen approprié indispensable chez tout traumatisé crânien grave. Il permet de réaliser un diagnostic lésionnel et de suivre l’évolution des lésions grâce à sa répétition.

Le scanner cérébral sera répété à la demande devant une aggravation secondaire.

Rx du crane face et profil

B- Évaluation manométrique :

Mesure de la pression intracrânienne : En présence de signes de gravité (cliniques et tomodensitométriques), le monitorage cérébral doit comprendre au minimum la mesure de la PIC et de la PPC.

Cette mesure par voie ventriculaire ou intraparenchymateuse permet d’évaluer le niveau initial, de donner une indication sur la sévérité, de suivre son évolution et les effets de la réanimation.

Résultats On parlera d’hypertension IC lorsque la PIC est durablement sup à 15 mmHg. Sévère et menaçante si elle atteint ou dépasse 25 mmHg.

Dans le même temps, on évalue la pression de perfusion cérébrale qui doit rester supérieure à 60 mmHg

VII- PRONOSTIC :

Les facteurs influençant le pronostic sont :

  • Le niveau de conscience avec une mortalité a 80% pour un score qui avoisine les 3 sur 15
  • L’importance de la lésion : la nature, l’étendue et la topographie des lésions constatées déterminent indiscutablement le pronostic.
  • l’âge
  • l’âge influence le pronostic, la mortalité augmente avec l’âge à partir de 15 ans. inversement, la mortalité diminue avec l’âge entre 0 et 15 ans.
  • la pression intracrânienne La mortalité atteint 50% chez ceux dont la pression est supérieure à 20 mmHg. Elle est de 95% lorsque la PIC est durablement supérieure à 40 mmHg.

VIII- PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE :

A- Prévenir les ACSOS :

Les Agressions cérébrales secondaires d’origine systémique (ACSOS) doivent être recherchées et traitées précocement pour éviter toute aggravation et principalement une ischémie cérébrale

  • Lutter contre l’hypoxie : intubation trachéale et ventilation mécanique, maintenir
    PaC02 voisine de 35 mmHg et une Pa02 voisine ou supérieure à 100 mmHg.

Une sédation continue est nécessaire, associant habituellement morphinique et benzodiazépine.

  • Contrôler l’état hémodvnamioue : Remplissage rapide (20 ml/kg en 15 minutes, à renouveler si nécessaire), avec du sérum salé isotonique en 1ère intention ; sous contrôle de la pression veineuse centrale (PVC) et de la PA.

Les solutés hypotoniques (Ringer lactate, sérum glucosé isotonique 5%) sont contre-indiqués, ils favorisent l’œdème cérébral.

  • Le traitement de l’hypertension intracrânienne par le mannitol (0,25 à 1 g/kg soit 1,25 à 5 ml/kg de mannitol à 20 % en 20 minutes). La position : la surélévation de la tête de 30° facilite le retour veineux de l’extrémité céphalique et peut permettre de gagner jusqu’à 10 mmHg sur la PIC.
  • Maintenir une température normale.
  • Hospitalisation d’urgence dans un centre à plateau technique adéquat (scanner, neurochirurgie et réanimation) et poser l’indication chirurgicale si elle existe

B- Établir une stratégie pour la prise en charge des traumatisés crâniens :

En préhospitalier : Le bilan clinique initial doit rechercher les lésions évidentes et recueillir les paramètres vitaux (fréquence respiratoire, fréquence cardiaque, PA, GCS) afin de traiter sans délai toute détresse. Le contrôle des voies aériennes supérieures reste une priorité. Toute hypoxie grève le pronostic vital. Un principe est de sédater, intuber et ventiler tout patient présentant un GCS 8 ou une dégradation rapide de la conscience chez un patient présentant un déficit et un GCS 11.

Le transport, partie intégrante de la thérapeutique, doit utiliser les moyens les plus rapides comme l’hélicoptère.

A l’arrivée dans le service des urgences :

L’examen clinique doit être répété et complété. Le bilan radiographique minimum doit comprendre chez tout patient traumatisé comateux ou sédaté des radiographies du crâne, du rachis cervical et des poumons, une échographie abdominale et un scanner cérébral. Si ce dernier a été réalisé très précocement, il doit pouvoir être répété après six à huit heures, d’hospitalisation, afin de figer les orientations thérapeutiques des premiers jours.

Transfert vers un centre spécialisé Le transfert vers un centre spécialisé de neuro traumatologie doit être envisagée pour les patients hospitalisés dans un Centre Hospitalier devant :

Une détérioration de la conscience (en l’absence du scanner), une suspicion d’embarrure,une fracture de la base du crâne, un polytraumatisme, des lésions neurochirurgicales,des signes tomodensitométriques d’HTIC.

La recherche des autres lésions est alors plus ou moins prioritaire en fonction de l’incidence sur les impératifs de la PPC et les indications du transfert.

C- Surveillance d’un traumatisé crânien :

Une surveillance régulière est essentiellement clinique et rapprochée dans le temps de :

  • conscience
  • motricité
  • pupilles
  • constantes générales (TA, pouls).

IX- CONCLUSION :

Les aspects organisationnels et les délais d’intervention font partie intégrante de la prise en charge des TC graves qui sera réalisé par une équipe pluridisciplinaire.

Cours du Dr Gouadjlia – Faculté de Constantine

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