Troubles bipolaires

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(Last Updated On: 3 septembre 2018)

Objectifs du cours :

  • Reconnaître l’état maniaque;
  • Reconnaître l’accès mélancolique;
  • Diagnostiquer les psychoses maniaco-dépressives;
  • Savoir prescrire les médicaments pour traiter la phase maniaque et la phase dépressive;
  • Connaître la prophylaxie des accès.

HISTORIQUE :

Ce n’est qu’en 1854 que J.-P. Falret et Baillarger décrivirent presque en même temps une même maladie appelée par le premier /b/j’e circulaire .

En 1899, Kraepelin rassembla toutes les psychoses décrites précédemment et proposa de les classer dans une catégorie appelée folie maniaco-dépressive vue comme une psychose essentiellement endogène .

ÉTIOPATHOGÉNIE :

1- Rôle des lésions cérébrales :

Les tumeurs, les traumatismes, l’artériosclérose et les troubles circulatoires, les encéphalites, les méningo-encéphalites pourraient provoquer des accès maniaco-dépressifs s’ils sont localisés au niveau diencéphalique où régnent les ‘fonctions thymiques” .

2- Facteurs hormonaux :

Certaines glandes endocrines jouent un rôle important dans la genèse des états maniaco-dépressifs. Les changements affectifs sont cliniquement en corrélation avec les désordres endocriniens.

3- Facteurs toxiques :

De nombreuses substances toxiques peuvent engendrer des tableaux cliniques de manie comme l’alcool (dans l’ivresse excito-motrice), le haschich, la cocaïne, le protoxyde d’azote. les amphétamines…

4- Amines biogèniques :

Les amines biogéniques comprennent 3 catécholamines: dopamine, norépinéphrine et épinéphrine.

Les catécholamines

L’hypothèse d’une éthiologie catécholaminique est basée sur les effets des inhibiteurs mono-amine-oxydase (IMAO) et des anti-dépresseurs tricycliques potentialisant ou diminuant la libération des catécholamines au niveau cérébral qui provoquent la stimulation du comportement et l’excitation et qui ont un effet anti-dépresseur.

A l’opposé, les sels de lithium diminuent ou inhibent l’humeur en entraînant une sédation ou une dépression. Le lithium est très efficace dans le traitement de la manie en diminuant la libération

La sérotonine

La sérotonine : On a observé que le métabolite sérotonine (5-HIAA) est diminué au niveau du liquide cérébro-spinal chez certains patients déprimés. Les antidépresseurs stimulent l’activité sérotoninérgique au niveau cérébral.

DÉFINITION :

La psychose maniaco-dépressive est une psychose périodique évoluant par phase.

Les phases maniaques ou dépressives alternent d’une manière irrégulière en respectant des intervalles sans troubles (sains) de quelques semaines à plusieurs années.

ACCÈS MANIAQUE :

Etat psychotique aigu caractérisé par une excitation psychomotrice associée à une humeur expansive.

1- Épidémiologie :

  • Le début de la maladie avant 30 ans.
  • La prévalence se situe entre 0.5 fct 1.2%
  • Le sex-ratio ne montre pas de prépondérance d’un sexe sur un autre.

2- Clinique :

Le début est souvent brutal survenant chez un adulte jeune présentant des antécédents similaires d’accès maniaques ou mélancoliques, personnels ou familiaux. Le début peut être progressif ou se développer après un évènement traumatisant (conflit familial, deuil, ambiance de fête..)

La phase d’état : la présentation est hyper expressive en effet le visage est animé, il parie sans arrêt, familiarités, rires, le patient chante bouge gesticule, exaltation de l’humeur avec optimisme joie et infatigabilité avec sentiment de toute puissance. L’hyperactivité psychique avec des idées rapides, jeux de mots, idées de grandeur et mégalomaniaque, saut du coq à l’âne, la mémoire est envahie par des souvenirs ininterrompus. Insomnie presque totale, appétit vorace et exaltation sexuelle.

3- Diagnostic différentiel :

L’accès maniaque peut être symptomatique de :

  1. Traumatisme crânien
  2. Maladie endocrinienne : hyperthyroïdie, maladie de cushing.
  3. Intoxications : cocaïne, amphétamines, alcool…
  4. Tumeurs frontales : réalisant un tableau de jovialité niaise (moria frontale).

Le diagnostic différentiel peut se poser aussi avec :

  • La bouffée délirante
  • La manie atypique pouvant être un mode d’entrée dans la schizophrénie.
  • L’agitation psychopathique avec agressivité, passage à l’acte facile, notion de prise de toxique le tout greffé sur une personnalité pathologique.

4- Traitement :

Devant une symptomatologie pareille, l’hospitalisation s’impose dans un service de psychiatrie.

Le traitement sera à base de neuroleptiques incisifs type halopéridol ou haldol sous forme d’ampoules injectables en IM. associée à un neuroleptique sédatif pour faire céder l’agitation et l’instabilité à type de chlorpromazine ou largactil ( amp inj en IM).

Dés que l’état du malade le permet, on passe au traitement par voie orale :

Haldol gttes 02% 50 50 50.
NOZINON CP 100mg : 1 1 1.

Associé à un antiparkinsonnien de synthèse type parkidyl cp 5mg : lcp/j.

Parallèlement des attitudes psychothérapiques faites d’empathie de soutien et de bienveillance sont nécessaires.

Dans le traitement d’entretien on peut prescrire les antipsychotiques de 2étne génération à la place des neuroleptiques classiques ( zyprcxa, risperdal..).

L’adjonction d’un thymoregulateur est nécessaire dans ces cas et les sels de lithium trouvent leur place, néanmoins les risques d’interactions médicamenteuses, la dose létale est toute proche de la dose thérapeutique ont fait qu’on lui préfère un lithium -like à savoir la Carbamazepine ou Tegretol.

Il est préférable de surveiller la formule sanguine du malade sous Tegretol car risque d’agranulocytose.

La dose varie entre 400mg et 1200mg/j (comprimé de 200mg et de 400mg).

La durée de traitement varie de 10 à 24 mois.

Le volet psychothérapique et surtout la psychoéducation qui reste bénéfique dans ce genre de trouble.

LES ÉTATS DEPRESSIFS

Définition :

Il se définit comme un état de tristesse profonde et durable associé à un ralentissement et une inhibition des fonctions psychiques et psychomotrices, le risque majeure est le suicide.

Épidémiologie :

  • C’est le syndrome psychiatrique le plus fréquent.
  • La pré valence est de 2 à 3% pour les hommes et de 05 à 10% pour les femmes.

Clinique :

Le syndrome dépressif est constitué de :

  • Thymie affaissée avec un vécu pessimiste, sentiment d’insatisfaction et d’auto- depreciation, de dévalorisation, tendance à l’isolement sentiment d’un passé catastrophique, d’un présent angoissant et d’un avenir bouché Dans les formes graves, la tristesse devient douloureuse « douleur morale » avec idées de culpabilité, d’indignité et d’incurabilité, le risque suicidaire est très important à ce stade de la maladie.
  • Le ralentissement psychomoteur avec une asthénie générale, tendance à la clinophilie avec rareté des gestes et immobilisme. L’anxiété peut provoquer une agitation

Le syndrome somatique associé :

Troubles du sommeil surtout insomnie de type terminale, anorexie constante, perte de tout désir sexuel.

ACCÈS MÉLANCOLIQUE

Clinique :

Le début est souvent brutal.

  • Inhibition importante avec un ralentissement psychomoteur, les traits tombants, le regard fixe le front plissé, les propos sont rares émis d’une voix monotone et monocorde réalisant une bradypsychie.
  • Douleur morale : le malade se plaint de ne plus rien sentir (anesthésie affective) et n’avoir plus de plaisir (anhédonie).
  • Des idées délirantes de culpabilité d’indignité et d’incurabilité.
  • Idées de mort, la mort devient un châtiment mérité.
  • Troubles du sommeil, sexuels et des fonctions instinctuels.

Les formes cliniques :

  • La forme hallucinatoire
  • La forme hypochondriaque
  • La forme stuporeuse
  • La forme délirante
  • La forme anxieuse.
  • Les dépressions masquées
  • La mélancolie d’involution.
  • Les dépressions saisonnières
  • Les dépressions récurrentes brèves

Évolution :

  • Les % des états dépressifs guérissent sous traitement.
  • 15% deviennent chroniques.
  • 10% résistent à toute thérapeutique.

Traitement :

L’hospitalisation est de règle pour la mélancolie car le risque suicidaire est très présent.

Le traitement biologique :

  • Antidépresseurs tri cycliques type Clomipramine ou Anafranil (150 à 225mg/j). la cure à l’Anafranil qui se fait comme suit :

J1 : 1 ampoule l’Anafranil à 25 mg dans 250 cc de SGI à 5%
J2 : 2
J3 à J15 3

  • Le tout associé à un neuroleptique sédatif type Levomepromazine ou Nozinon 100mg/j pour prévenir la levée de l’inhibition engendrée par les antidépresseurs.
  • Le relais sera pris par la voie orale à raison du double de la dose du traitement par voie parentérale : 150mg/j d’Anafranil et un traitement sédatif.

Le recours à l’electroconvulsivothérapie en cas de résistance ou de forme très inhibée.

D’autres antidépresseurs sont prescrits surtout les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine ( ISRS) dénués d’effets secondaires à type de :

  • fluoxetine
  • sertraline
  • paroxetine
  • mirtazapine

la psychothérapie cognitive avec mise à jour des schémas dysfonctionnels et la restructuration cognitive est utilisée ces derniers temps dans l’abord cognitif des dépressions Intérêt de la psychoéducation

PLACE DU DSM IV.R :

Dans le trouble bipolaire de type I : le patient souffre d’épisodes maniaques ou mixtes et le plus souvent d’épisodes dépressifs.

Si quelqu’un présente pour la première fois un épisode maniaque, la maladie est malgré tout considérée comme bipolaire bien qu’aucune dépression n’ait eu lieu jusqu’alors.

Il est en effet hautement probable que des épisodes futurs de dépression auront lieu de même que des épisodes maniaques à moins qu’un traitement efficace ne soit reçu.

Dans le trouble bipolaire de type II : le patient souffre d’épisodes hypomaniaques et

dépressifs sans aucun épisode maniaque ou mixte. Il s’agit de la forme la plus fréquente Cette forme est souvent difficile à reconnaître car l’hypomanie peut sembler normale si la personne est très productive et évite d’être impliquée dans des problèmes sérieux Malheureusement, si un Thymorégulateur n’est pas prescrit ave un antidépresseur dans le cadre d’un trouble bipolaire II non reconnu, l’antidépresseur seul peut être responsable d’une exaltation de l’humeur ou rendre les cycles plus fréquents

Cours du Pr M. BENABBAS – Faculté de Constantine

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